10ème étape - Luchon-Bayonne - 326 km
Octave Lapize dit "Le Frisé"
10ème étape - vainqueur : Octave Lapize (Fra) en 14h10'
Le 21 juillet 1910,
à 3h30 du matin, est donné le départ d'une étape qui va entrer
dans l'Histoire du Tour de France comme l'une des plus difficiles jamais courue. Plus
de 326 kilomètres dans les Pyrénées, avec en point d'orgue la montée
des quatre géants que sont les cols de Peyresourde, d'Aspin, du Tourmalet et d'Aubisque.
À la veille de cette étape redoutable, le Luxembourgeois François
Faber possède 15 points d'avance sur Octave
Lapize,
réputé le meilleur grimpeur du peloton (à cette époque, le
Tour se court en effet aux points et non au temps). Dès les premières
pentes de Peyresourde, Octave Lapize s'échappe et passe en tête à
Aspin. Gustave Garrigou, 4° au général, le suit de près et le
rejoint dans l'interminable montée du Tourmalet. L'ascension se transforme rapidement
en une lutte fratricide, les deux hommes prenant le commandement de la course à
tour de rôle. Gustave Garrigou demeure toute la montée sur sa machine, tandis
qu'Octave Lapize est contraint d'alterner la course à pieds et le pédalage.
Pourtant, c'est lui qui parvient le premier en haut du géant pyrénéen,
avec un peu moins de 500 mètres d'avance sur son dauphin. Alors que les deux hommes
semblent se diriger vers une victoire confortable dans l'Aubisque, l'impensable se produit.
Revenu du Diable Vauvert, un inconnu, sans équipe, François Lafourcade,
a rejoint et semé Octave Lapize et Gustave Garrigou. Il grimpe le dernier
col de la journée à faible allure, mais avec une impression de puissance
exceptionnelle. Totalement anesthésié par l'effort, il est incapable de
parler ou de bouger la tête, fixant la route et se concentrant sur son effort surhumain.
Au sommet, d'après les calculs des organisateurs, Octave Lapize arrive avec plus
d'une heure de retard sur son temps de passage au Tourmalet. En outre, il termine à
pied, plus d'un quart d'heure après François Lafourcade. Il ne cesse d'invectiver
les organisateurs : "Vous êtes des assassins. Oui, des assassins ! ".
Dans un état de rage compréhensible après un tel effort, il continue
de jurer, annonçant même son abandon au bas de la descente, à Eaux-Bonnes.
Gustave Garrigou est quant à lui loin derrière. À Eaux-Bonnes
justement, François Lafourcade a pointé avec seize minutes d'avance sur
Octave Lapize, mais à bout de force s'est arrêté plus de quatre minutes
avant de repartir. Il est désormais talonné par "le frisé",
qui a retrouvé ses forces dans la descente et revient inexorablement sur lui. Il
le dépasse en compagnie de l'Italien Pierino Albini revenu d'on ne sait où,
et fonce sur Bayonne. François Faber est derrière et crève pour la
cinquième fois à une quinzaine de kilomètres de l'arrivée.
À Bayonne, Octave Lapize règle Pierino Albini au sprint ! Il faut attendre
plus d'un quart d'heure pour voir arriver François Faber, qui précède
Louis Trousselier et l'héroïque François Lafourcade, qui reçoit
une ovation devant son public. Le sixième de l'étape
perd 36 minutes, tandis que Gustave Garrigou, huitième, pointe à près
d'une heure des deux premiers. Une défaillance terrible dans le Tourmalet a eu
raison de lui. Néanmoins, il est le seul à être demeuré sur
sa machine pendant quinze heures d'affilée ! Les derniers coureurs franchissent
Aubisque dans la nuit noire. Seuls dix coureurs ne sont pas hors délai, mais la
direction de course décide juste à propos de ne disqualifier aucun concurrent,
même ceux qui ont rejoint la ligne d'arrivée en voiture. Octave Lapize, bien
que vainqueur, ne change pas d'opinion, et confirme bien après l'arrivée
que "Desgrange est bien un assassin ! ". Les 59 rescapés de l'étape
Luchon-Bayonne entrent néanmoins dans la grande Histoire du Tour.
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