3ème étape - Cherbourg-Brest, 217.5 km
Les frères Pélissier
Les côtes de l'Atlantique ne réussissent pas aux
frères Pélissier. En 1919, ils n'avaient pas dépassé
les Sables d'Olonne. En 1920, Henri avait abandonné
avant Bayonne parce qu'il avait été pénalisé pour s'être
délesté d'un boyau. C'est à nouveau pour s'être "délesté"
qu'Henri allait être pénalisé de nouveau dans la 2ème
étape. Henri Pélissier, qui courait avec deux maillots
dans les étapes où le temps était plutôt froid, en jetait
un lorsque le soleil revenait. L'article 48 du règlement
était formel : interdiction de jetre quoique ce soit
! "Mais... le maillot m'appartient !"
protesta Henri Pélissier auprès d'Henri Desgrange. On
crut que les choses allaient s'arranger, mais non !
Au départ de la 3ème étape, Henri Pélissier était apostrophé
par un commissaire. Aussi nerveux qu'à son habitude,
l'aîné des Pélissier exigea des excuses, mais le départ
était déjà donné et Henri Pélissier n'avait pas obtenu
satisfaction ! Rapidement, à une allure record, il
rejoignit le peloton. Mais, peu après, il quittait la
course avec son frère Francis et son équiper Maurice
Ville, alors deuxième du classement général. "Avant
d'être coureurs, nous sommes des hommes, et libres..."
déclara Henri Pélissier qui n'aimait pas être traîté
familièrement par n'importe qui. Albert Londres,
envoyé spécial du "Petit Parisien"
, devait s'inspirer de sa conversation avec les frères
Pélissier pour écrire l'impressionnante légende des
"Forçats de la route".
Précision
: En fait, si Albert Londres a bien réalisé une interview historique des
frères Pélissier, à l'occasion de leur abandon dans le Tour 1924, cet épisode
n'a rien à voir avec la légende des "forçats de la route"... dont
il n'est pas l'auteur. Soyons précis : à aucun moment, dans aucun de ses
articles au Petit-Parisien, Albert Londres n'a utilisé cette expression de "forçats
de la route". On ne la trouve pas non plus dans les titres que le journal
donnait à ses papiers. En fait, c'est Henri Decoin, le futur réalisateur de
cinéma, qui est à l'origine de cette légende. Il était à cette époque journaliste
sportif, et il suivait à ce titre le Tour 1924. Il a évoqué dans un de ses reportages
la présence de son confrère Londres, qui était une star atypique dans le petit
peloton des journalistes : il n'avait jamais suivi de course cycliste. En revanche,
il venait de se rendre célèbre par un reportage retentissant sur le bagne de
Cayenne (si retentissant qu'il allait d'ailleurs aboutir à sa fermeture). Et
Henri Decoin eut cette réflexion pendant l'épreuve : "Avec leurs numéros
dans le dos (H. Decoin parlait des dossards, de grand format à l'époque), on
dirait les forçats d'Albert Londres". Mais alors, Henri Decoin parlait
des "vrais" forçats, pas des cyclistes. Au reste, Albert Londres n'aurait
jamais eu l'outrecuidance de comparer les cyclistes aux bagnards qu'il avait
vus à Cayenne, bien sûr. J'ai rétabli cette vérité dans un roman ("Un
ténébreux", édition Le Seuil, 2003) mais on ne peut rien contre les légendes
! Jean-Louis Ezine
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