Cols : Croix-de-fer (km 36), Télégraphe (km 91.5), Galibier (km 114.5)
Beau temps, températures basses en altitude.

La 16ème étape Bourg d’Oisans-Briançon, par sa courte distance (148.5 km) et ses passages par la Croix-de-fer, le Télégraphe et le Galibier, constitue l’un des grands rendez-vous de ce Tour jusque là assez décevant. Au matin du 8 juillet, les neuf premières places sont encore occupées par des participants de l’échappée de l’étape Bayonne-Pau : le petit Allemand de Peugeot-BP Karl-Heintz Kunde détient le maillot jaune, suivi de Jan Janssen à 31", Lucien Aimar à 58", Marcello Mugnaini à 2'19", Jean-Claude Lebaube à 2'31", de Momene, De Rosso, Delisle et Haast qui devancent Poulidor classé 10ème à 5'17" et Anquetil, lâché la veille dans la descente du col d’Ornon, classé 14ème à 6'20".

Après des attaques initiales de Wolfshohl, Rostollan, Jimenez, le maillot jaune Kunde démarre à plusieurs reprises dans la Croix-de-fer. Parmi les lâchés, on remarque De Rosso, Lebaube, Guimbard, Foucher, Van Looy. Au sommet, Galera devance Bitossi, Jimenez et un premier peloton. Dans la descente, le champion du monde Simpson, coéquipier du maillot jaune, se détache et accentue son avance à 1'30" au bas du Télégraphe. Julio Jimenez part en contre-attaque tandis que Kunde donne des signes de faiblesse dans le premier peloton. Jimenez rejoint Simpson et le devance au sommet du Télégraphe, alors qu’apparaît à 1'15" un premier groupe de quinze coureurs parmi lesquels Poulidor, Anquetil, Altig, Janssen, Mugnaini, Huysmans, Bitossi, Pingeon.

Au bas du Galibier, au km 97, Jimenez et Simpson comptent 1'20" d’avance sur le groupe Anquetil-Poulidor-Janssen et 2'25" sur un groupe Kunde. Jan Janssen est virtuel maillot jaune. Après le virage de Plan-Lachat, dans les lacets abrupts du Galibier, Anquetil démarre et provoque la désintégration du groupe. Seul Poulidor arrive à le suivre, Huysmans restant à vue derrière les deux Français. Simpson perd du terrain. Kunde est à 5'00". Au sommet du Galibier, Jimenez passe en tête, devançant Anquetil et Poulidor à 1'35", Huysmans à 2'20", Galera, Gabica, Mugnaini, Schutz et Janssen à 3'25". Kunde et Altig sont à près de 6'00". Le Néerlandais Haast tombe lourdement dans la descente.

Dans la descente, Jimenez fonce et accroît son avance sur Poulidor et Anquetil qui, arguant de sa position entre deux coéquipiers, Jimenez et Aimar, refusera de mener jusqu’à Briançon. Par crainte d’un contre d’Anquetil, Poulidor évitera de se donner à fond, ce qui favorisera le rapprochement de Huysmans. Poulidor dira plus tard qu’il avait peut-être perdu le Tour dans le col d’Ornon en distançant Anquetil d’une minute, ce qui incitera ce dernier à ne pas mener le lendemain.  Quant à Janssen qui convoite le maillot jaune, il essaie de combler son retard tandis que Simpson est victime d’une chute.

Jimenez remporte l’étape en 4h41'59", devançant Anquetil et Poulidor de 2'25", Huysmans de 2'27", Van Springel de 3'10", Galera de 3'27". Classé 7ème, à 3'30", le maillot vert Willy Planckaert fait sensation en réglant au sprint un groupe de 8 coureurs dont Pingeon, Aimar, Janssen, Van Den Bossche, Gabica, Momene, Uriona et Mugnaini. Classé 18ème, Simpson termine à 4'51". Rudi Altig et Kunde terminent respectivement 22ème à 7'13" et 23ème à 7'16". Jean-Claude Lebaube, en perdition, termine 64ème à 18'12". Trente et un coureurs arrivent au delà des délais de 9%. Trois d’entre eux sont repêchés : Foucher, Nijdam et Haast, et les 28 autres sont impitoyablement éliminés. Parmi eux, Rik Van Looy et quatre de ses équipiers, Depauw, Derboven, Stevens, Sorgeloos, puis Guido Carlesi, Tommasso De Pra qui s’était tant dépensé de Nancy à Luchon. Anquetil perd trois équipiers, Denson, Everaert, Novak tandis que Poulidor doit se séparer de Bodin, Genet, Guimbard et Spruyt ! Classé 115ème sur 116 au départ de Bourg d’Oisans, l’Italien Paolo Mannucci, qui a échappé à l’élimination, se retrouve 88ème et dernier, ce qui ne l’empêche pas de recevoir le prix de la progressivité, ayant ainsi gagné 27 places !

Le classement général se trouve modifié, sans toutefois être bouleversé. Jan Janssen revêt son premier maillot jaune, mais il ne devance Lucien Aimar que de 27". Les "échappés de Pau" occupent encore les 3ème, 4ème et 5ème places avec Mugnaini, Momene et Kunde. Poulidor est 6ème à 3'36" et Anquetil 7ème à 4'44". Tout paraît désormais encore possible pour Poulidor et aussi pour Anquetil. Le moral revient dans le groupe Ford-France : Anquetil, lâché la veille, déclare qu’il n’a jamais aussi bien passé les cols. Il peut désormais jouer sur deux pions : Aimar et Jimenez. Ce dernier a pris un avantage décisif sur son grand rival au G.P de la montagne, son compatriote Galera, de la KAS. Les Belges, toujours à la recherche d’un futur vainqueur du Tour, saluent l’exploit en montagne du maillot vert Willy Planckaert et la résistance des jeunes Huysmans, Van Springel et  Van Den Bossche. Seul, le petit Kunde, qui commençait à s’habituer à son maillot jaune et qui s’estime trahi par ses copéquipiers, apparaît mécontent .

Tandis qu’Antoine Blondin intitule sa tribune "Le col tue lentement", Pierre Chany titre "Poulidor et Anquetil continuent leur escalade - Lucien Aimar destiné à un rôle très important". Jamais sans doute l’ami Chany n’avait vu aussi juste…

         Merci à Didier Béoutis

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