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Le destin de Joaquim Agostinho
Parmi les retours dans les pelotons, d'un cycliste après un premier arrêt de sa carrière, celui de Joaquim Agostinho fut tragique puisqu'il y a laissé la vie après une chute provoquée par un chien. L'ultime chute de Joaquim Agostinho, le malchanceux.
Par Dominique Turgis
On n'échappe pas à son destin. Celui de Joaquim Agostinho n'était pas de mourir à la guerre mais sur son vélo. Pourtant dans sa jeunesse, il faisait partie de cette génération de Portugais envoyés par le dictateur Salazar faire la guerre en Angola et au Mozambique. Une étape importante dans sa carrière comme le souligne Jean-Pierre Douçot, mécanicien dans les équipes de Jean De Gribaldy : "C'est son capitaine pendant la guerre du Mozambique qui l'a découvert. Quand il portait des messages sur un gros vélo, il mettait deux heures pour faire les 50 bornes quand les autres mettaient cinq heures."
UN RHINOCÉROS
Joaquim Agostinho se retrouve donc professionnel en France chez Frimatic-De Gribaldy. Il se distingue dans le peloton par son physique : "de taille moyenne mais épais comme un rhinocéros" dixit Pierre Chany, avec des pattes musclées. Il se distingue aussi par sa maladresse, ses pansements qui en découlent. En plus de sa maladresse, il y a la malchance. Dans Paris-Nice 1978, son équipier Roland Salm heurte un îlot directionnel et retombe sur Joaquim Agostinho. Il est victime d'un traumatisme crânien. Il s'en tire, cette fois-ci. Quand ce n'est pas lui qui tombe, c'est son mécano qui bascule avec son vélo de rechange par la portière de la voiture du directeur sportif.
UN VRAI PALMARÈS
Mais le gentil "Tino" ne fait pas toujours rire ses compagnons de route. Quand "Ago" en met un coup, quelques uns sont proches de l'agonie. Dans l'étape d'Orcières Merlette du Tour 1971, c'est lui qui met le feu aux poudres. Il fait partie des derniers accompagnateurs d'Ocana quand l'Espagnol les oublie dans le col du Noyer. Dans le Tour 1972, il promène son maillot de champion du Portugal pendant de nombreux kilomètres à l'avant de la course. Une telle énergie dépensée n'est pas perdue pour tout le monde. Ses compagnons d'échappée savent en tirer les bénéfices. Il arrive quand même à Joaquim Agostinho de lever ses bras musclés. Sa santé en fait un coureur de course par étapes, avec l'avantage de bien rouler face au chrono. Dès son premier Tour en 1969, il fait mouche deux fois. Dix ans plus tard, il gagne en haut de l'Alpe d'Huez. Il se classe deux fois de suite troisième du Tour de France en 1978 et 1979. Entre temps il a aussi gagné un contre-la-montre sur la Vuelta où il s'est classé 2ème en 1974 à onze petites secondes de Fuente. En 1976, il porte même le maillot amarillo. Enfin, il a gagné trois fois son Tour du Portugal.
DEMI-TOUR
En 1981, il commence à pointer son nez au moment des beaux jours. Sous le maillot rayé orange et blanc de l'équipe Sem, il se classe 3ème du Dauphiné Libéré. Mais sur le Tour, il coince dès la première étape de montagne dans les Pyrénées. Victime de la "grande lessive" d'Hinault, il perd plus de quatre minutes au Pla d'Adet. Agostinho abandonne dans les Alpes dans l'étape du Pleynet. Dans Sprint International, le Docteur du Tour, Gérard Porte analyse cet abandon : "Le doyen du Tour a rencontré des problèmes moraux. Dès Bordeaux, il nous a avoué ne pas "avoir le moral". Les années passant et n'y croyant plus, il a fait demi-tour au bas de la montée du Pleynet sans qu'il n'y ait la moindre question médicale à se poser à son sujet."
Sa carrière semble prendre fin sous le soleil des Alpes.
RETOUR À LA TERRE
En 1982, il ne reprend donc pas la compétition. Il reste chez lui sur sa ferme de Torres-Vedras, à quarante kilomètres de Lisbonne. Il a 40 ans (il a été enregistré à l'état civil le 7 avril 1942).
Une année à refaire du jus. En 1983, qui c'est qui revient ? Joaquim Agostinho bien sûr, toujours chez le Vicomte. Et il va faire un bon retour. 14ème du Tour de Romandie et 11ème du Tour.
LE CHIEN QUI TRAVERSE
Alors qu'il aurait pu se retirer définitivement, Joaquim Agostinho veut donner un coup de main à l'équipe du Sporting de Lisbonne. Les maillots vert et blanc vont se frotter au cyclisme européen pour sortir de leurs frontières et progresser. Joaquim Agostinho vient en France pour courir avec ses "élèves" le Critérium international.
En mai, il s'aligne au Tour d'Algarve, au sud du Portugal. Il marche toujours et gagne la 4ème étape. Il porte le maillot jaune de leader. Peu avant l'arrivée de l'étape de Quateira, un chien traverse et le fait tomber. Encore une chute pour Ago qui se relève et qui franchit la ligne poussé par ses équipiers. Il se tient la tête. Il saigne. On le rentre dans une voiture. On l'emmène à l'hôpital. Il reçoit l'extrême onction et décède le 10 mai 1984 à Lisbonne, dix jours après sa chute (voir ici). Deux mois plus tard, son équipier du Sporting, Paolo Ferreira remporte une étape du Tour de France.
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Fichier mis à jour le : 31/12/2021 à 16:10
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