En 1989, le mois de mars, le dieu de la guerre, est riche en affrontements et les meilleurs sont déjà devant. La première étape du Critérium International ressemble même à un résumé de l'année.
Par Dominique Turgis le 10 mars 2009
©
L'Équipe
Sept hommes en tête de la 1ère étape du Critérium International, sur les routes du Vaucluse. Ils font même la "Une" de L'Équipe du lundi 27 mars. Que du premier choix, tous appartiennent à la noblesse d'épée du peloton. Tous vont jouer un rôle pendant la saison 1989.
Laurent Bezault : Le coureur de Toshiba confirme les espoirs placés en lui. Il a porté le maillot blanc de Paris-Nice avant d'abandonner vêtu de la tunique de leader, victime d'un refroidissement.
Marc Madiot : Le Mayennais va gagner la première étape de l'International à Apt, la capitale des fruits confis. Il endosse son deuxième maillot de leader en quinze jours. Il porte le jaune de l'International après le blanc de Paris-Nice. Il est en forme avant les classiques d'avril.
Stephen Roche : L'homme des débuts de saison est de retour après une saison 1988 blanche, ou noire, c'est selon. Il s'est classé deuxième de Paris-Nice son épreuve de prédilection non sans avoir dominé la montée du col d'Eze.
Charly Mottet : Pour sa première saison chez RMO, le Drômois est au rendez-vous. Avant le Critérium International, il s'est classé 3ème de Tirreno après avoir remporté une étape devant Tony Rominger, le vainqueur final. Il se classe 2ème du Critérium et son équipier Pascal Lino a étalé sa classe en remportant l'étape de côte le matin du contre-la-montre.
Greg LeMond : Après une saison chez PDM, 6ème du récent Tirreno, le revoilà en tête d'une grande course, sous le maillot jaune fluo et violet d'ADR. Le violet du clergé laissera la place au jaune bouton d'or en juillet et à l'arc-en-ciel sous l'orage de Chambéry en août.
Laurent Fignon : Le récent double vainqueur de Milan-San Remo, après un abandon sur Paris-Nice, est encore devant. Sur le Poggio, il a décramponné Frans Maassen et résisté au retour du peloton. Grâce à cette victoire, il est le premier leader de la coupe du monde. Il a endossé le maillot kaki-orange, ou plutôt Perrier nature - Perrier orange, puisque l'eau minérale patronne le trophée de la FICP, la Fédération internationale du cyclisme professionnel.
Miguel Indurain : Ce n'est pas lui qui fait le plus de bruit mais ce sera lui le vainqueur final de l'International. Grâce à un contre-la-montre en Avignon, taillé pour lui où sa puissance a écrasé les adversaires.
Miguel Indurain avait déjà remporté Paris-Nice quinze jour plus tôt. Une victoire peut être pas encore appréciée à sa juste valeur sur le moment.
Francis Lafargue, directeur sportif chez Reynolds, l'équipe d'Indurain dirigée par José Miguel Echavarri, se souvient du contexte de l'époque.
DELGADO EST TOUJOURS LEADER
"Nous ne nous impatientons pas vis à vis d'Indurain. Pedro Delgado était notre leader incontesté. Il a gagné le Tour 1988, il était présent depuis 1983. Miguel était jeune, il était passé pro tout jeune. On comptait sur lui mais plus sur une course d'une semaine et les classiques. A l'époque il était lourd, plus de 80 kg. On ne pensait pas qu'il allait gagner 5 Tours, mais un Tour de France, oui.
Son avantage était d'avoir Pedro comme leader et éviter les erreurs. Par exemple, éviter de trop parler aux médias. Pedro ne parlait pas très bien français mais avec quelques mots, il partait pour une interview. Cela lui a causé des problèmes, notamment au moment de l'affaire Delgado du Tour 1988. C'est pour cela qu'il m'a choisi comme traducteur et homme de confiance. Je suis devenu son relation-public.
Chez Reynolds, nous n'étions pas pressés avec Miguel. Nous avions un leader avec Pedro Delgado et Julian Gorospe, un bon coureur mais fragile. Jose-Luis Laguia était un bon grimpeur sur la Vuelta mais le Tour de France, c'est autre chose. Miguel a progressé très vite."
PARIS NICE PASSE SOUS SILENCE
Paris-Nice va prouver la complémentarité du tandem Delgado-Indurain. Sur les pentes du Mont Faron, Indurain rejoint Bruno Cornillet qui doit s'accrocher pour le battre au sommet. Le lendemain, Pedro Delgado embraye dans le col de Vignon. Dans la descente, Indurain plonge à la poursuite de Gérard Rué. Le Breton de Système U gagne l'étape sur la plage abandonnée de Saint-Tropez alors que Miguel Indurain endosse le maillot blanc. Il le garde jusqu'à Nice.
"Son Paris-Nice est un peu passé sous silence car on a plus parlé de l'absence de Kelly, sept fois vainqueur et l'abandon de Fignon. Même s'il n'a pas gagné au col d'Eze (2ème derrière Roche), c'était quand même quelque chose. Nous, nous savions qu'il avait progressé."
A TRAVERS LE POLLEN
"Le type qui sort bien de Paris-Nice, il peut gagner l'International. Nous allions souvent dans le Vaucluse, Miguel a d'ailleurs gagné le Tour du Vaucluse en 1991. C'est un terrain formidable pour travailler. Il a gagné le contre-la-montre, sa spécialité.
Entre la course de côte et le contre-la-montre, nous sommes revenus le plus rapidement possible à l'hôtel à Avignon pour manger vite et donc, digérer avant le chrono. Le contre-la-montre était court. Je le revois, le long du Rhône avec des bouts droits, un terrain favorable pour Miguel.
Je ne me souviens plus de la 1ère étape mais dans l'étape de côte, il a limité la casse dans la côte du Cheval Blanc. C'était une montée difficile et les costauds étaient là. Miguel était sensible au pollen mais cette année-là, à 15 jours près, il n'y avait pas de pollen. Par contre, une autre année, je me souviens le voir arriver très en retard, avec la peau couverte de boutons au niveau du trou sur le dessus des gants, toujours à cause du pollen. Cette année-là en 1989, il avait fait de belles Ardennaises :
7ème de la Flèche et 10ème à Liège)."
En juillet, la victoire dans les Pyrénées au sommet de Cauterets va propulser Indurain parmi les vainqueurs possibles du Tour. C'est là qu'il s'est dit :
"Finalement, je passe la montagne en perdant du poids". Il s'est beaucoup entraîné dans la montagne. Sa victoire à Cauterets est un déclic dans sa carrière.
Au début, il pesait 86 kg. Il a maigri à 80 kg. Après une semaine de Tour, il descendait à 78 kg. En 1996, il faisait 81 kg au départ et avec le mauvais temps, il n'a pas pu s'affûter. Dans sa tête, c'était déjà mal parti."
Sauf mention, les sources sont Cyclisme International, Miroir du Cyclisme et Velosprint 2000.
Une remarque sur ce fichier ? : écrivez-nous
|