Le coup de main de Daniel Morelon
Daniel Morelon a signé un retour marquant dans le milieu de la piste en
1980. Trois ans après avoir raccroché, il est passé professionnel à 36 ans
pour disputer les championnats du monde sur piste à Besançon. Un coup de pouce
pour cette organisation en manque de tête d'affiche. Un retour où le triple
champion olympique a su tenir son rang.
Par Dominique Turgis
En 1977, Daniel Morelon, 33 ans, s'envole vers son dernier championnat du monde
amateur. A partir de janvier 1978, il doit devenir entraîneur national avec
Gérard Quintyn. Ce dernier tournoi arc-en-ciel a pour écrin le vélodrome
de San Cristobal au Venezuela. Au pays de Shell, l'anneau de ciment voit l'arrivée
la première marée grise avec quatre titres mondiaux pour la RDA. Des titres
amateurs puisque le Mur de Berlin et ses barbelés divisent le monde. Les combinaisons
grises unipièces, qu'ils sont parmi les rares à utiliser, ont raflé le kilomètre,
la vitesse, la poursuite individuelle et par équipe. BON
PERDANT
Devant ce raz-de-marée, Daniel Morelon a chuté en repêchage des seizièmes
de finale, à tous les sens du terme. Les seizièmes de finale sont courus en
une manche à trois coureurs. Daniel Morelon, champion de France de vitesse
pour la 14ème fois, affronte l'Argentin Ruchansky et le Tchèque Kucirek. Ce
dernier est l'équipier d'Anton Tkac, le bourreau du Français en finale des
Jeux Olympiques de Montréal de 1976. Kucirek sera le premier bourreau de Morelon.
Il cherche surtout à faire perdre la manche au Français et y réussit parfaitement.
Direction les repêchages. En une manche à trois, Daniel Morelon joue son
avenir. Le Polonais Kocot, les deux mains sur le guidon, provoque la chute du
Français. La manche est recourue et Daniel Morelon s'incline d'une chape derrière
Kocot. Le tournoi est terminé pour l'unique espoir de médaille des tricolores.
Daniel Morelon est plutôt du genre bon perdant. "Je n'ai aucune excuse
à invoquer. C'est plus un manque de réussite que de la malchance, mais j'ai
eu assez de réussite dans ma carrière pour ne pas me plaindre aujourd'hui.
Il faut savoir perdre, et j'ai eu mon compte de victoires" (1). Un
sacré compte en effet : deux titres olympiques consécutifs en vitesse, un
en tandem avec Pierre Trentin, sept fois champion du monde de vitesse et une
fois en tandem. Une légende vivante du sprint qui avait été pré-sélectionné
pour les championnats du monde 1962 en... poursuite par équipe.
"PAS L'IMPRESSION D'AVOIR RACCROCHÉ"
Dès son élimination, Daniel Morelon rentre dans la peau du futur entraîneur
national. Il observe les Allemands de l'Est mais aussi les professionnels japonais
comme Koichi Nakano. Il ne sait pas encore que trois ans plus tard, il l'affrontera
de nouveau sur la piste. Avec Gérard Quintyn, il s'attèle à faire progresser
les jeunes pousses de la piste française et essayer de découvrir de nouveaux
talents. Dès la première année, il déclare à "Vélo" : "Cette
tâche d'entraîneur national de la piste, en collaboration avec mon ami Gérard
Quintyn, me plaît énormément. Dans cette perpétuelle ambiance cycliste,
je n'ai pas l'impression d'avoir raccroché le vélo." Parmi les espoirs
tricolores, Yavé Cahard, déjà présent à San Cristobal en 1977. Le Normand
va apporter à l'entraîneur Morelon son premier maillot arc-en-ciel en 1979.
Dans la nuit du vélodrome d'Amsterdam le tandem Cahard-Dépine vont faire sonner
la Marseillaise après une finale en trois manches, où Daniel Morelon a joué
son rôle en saisissant le jury d'appel après le déclassement injuste de ses
coureurs. L'entraîneur national est "aussi content que si (il) était
champion du monde." (2) UN RETOUR
POUR SAUVER LES CHAMPIONNATS EN FRANCE
C'est à l'occasion de ces championnats du monde 1979 que Daniel Morelon annonce
son retour à la compétition chez les professionnels pour participer aux championnats
du monde organisés en France sur la piste rose de Besançon en 1980. Depuis
1972, l'UCI n'organise plus de championnats du monde amateur les années olympiques.
Le programme de Besançon sera donc amaigri et la participation française squelettique
chez les pros. D'ailleurs, le niveau du tournoi professionnel de vitesse et
plus faible que celui de la compétition amateur. Le retour de Daniel Morelon
peut « sauver » ces championnats. Daniel Morelon entame son retour sur la
piste de la Cipale où il remporte son premier titre chez les pros avec le championnat
de France de vitesse. Sur la piste de Moscou, en marge des Jeux Olympiques,
où Yavé Cahard décroche la médaille d'argent, Daniel Morelon s'entraîne
avec son coureur. Début septembre, direction les championnats du monde de Besançon.
Le Japonais Koïchi Nakano lui barre la route du titre en vitesse. Le revenant
monte quand même sur la troisième marche du podium. Le Japon lui laisse une
dernière chance de rentrer dans l'histoire : devenir le premier champion du
monde de keirin. Le tirage au sort le place à l'avant-dernière place dans
la file du départ. Il est trop court pour devancer l'Australien Danny Clark.
CHAMPION D'EUROPE POUR FINIR
La saison n'est pas finie. Après l'été, l'hiver. Daniel Morelon s'aligne
au départ de sa dernière compétition, le championnat d'Europe de vitesse
sous le vélodrome couvert de Vienne. Il bat en finale le Belge Michel Vaarten
et endosse son dernier maillot, le blanc de la FICP. Daniel Morelon redevient
entraîneur. Avec Gérard Quintyn, il devra attendre la chute du Mur de Berlin
pour voir une génération de coureurs menée par Félicia Ballanger et Florian
Rousseau, reprendre le flambeau.
(1) : Miroir du cyclisme (2) : La France cycliste
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