NANTES-PARIS/Parc des Princes, 471 km (samedi 23 et dimanche 24 juillet)
NANTES - ANCENIS (km 38) - ANGERS (km 89/CF) - SAUMUR - TOURS (km 203/CF) - AMBOISE - BLOIS (km 258/CF) - MEUNG - ORLÉANS (km 316/CF) - CHARTRES (km 387/CF) - RAMBOUILLET (km 423) - VERSAILLES (CV) - PARIS/Parc des Princes
Départ le 23 juillet à 19 heures - 29 partants. Pour la dernière étape 31 concurrents restent qualifiés mais 29 seulement prennent le départ. Charles Prévost, accidenté à l'arrivée à Nantes doit abandonner la mort dans l'âme. Pour l'assister, son frère Noël reste près de lui.
A Saumur, le peloton de tête fort d'une quinzaine d'unités s'arrête à une fontaine. Seul Fily, un gamin de 17 ans, continue sans être vu, fonçant dans la nuit à belle allure. Il arrive à Tours, après 200 km avec 17 minutes d'avance sur le peloton. Ce jeune coureur qui est de Loches est l'objet d'une indescriptible ovation. Il porte son avance à 25 minutes à Amboise, mais il est rejoint avant Blois.
Les officiels ayant été avisés qu'un guet-apens devait avoir lieu au contrôle d'Orléans décident de le supprimer pour couper court à tout incident, ce qui ne fait pas l'affaire des Orléanais. Gabory abandonne vers Orléans.
Au passage à Chartres où Aucouturier gagne une prime, un peloton de 12 coureurs s'est constitué. Fily paie son échappée de la nuit et concède près d'une heure de retard. Grimenvrald abandonne.
Au contrôle de Rambouillet, Samson ne s'arrête pas et fausse compagnie au peloton. L'avis d'un autre guet-apens après Versailles ayant été donné aux officiels, la Police surveille la route. Maurice Garin, Aucouturier et Dortignac passent ensemble, puis Pothier et César Garin avec un retard de deux minutes. Les autres concurrents sont fort espacés. Fily quant à lui à maintenant quatre heures de retard.
L'arrivée doit être jugée au Parc des Princes, la course étant neutralisée depuis le contrôle de Ville d'Avray où une foule incroyable attend. Pour ce dernier contrôle du Tour de France, on a fait appel à la gendarmerie et aux soldats du génie de Versailles ! La route ainsi est bien dégagée, permettant une arrivée régulière. Aucouturier en profite pour gagner avec deux longueurs devant Maurice Garin. Dortignac termine à 50 mètres.
Mais après l'arrivée des sept premiers, un ouragan, terrible s'abat sur Ville d'Avray ! C'est le sauf qui peut général ... Lorsque les premiers arrivent "au Parc, la pluie se met à tomber à torrents. Impossible, dans ces conditions, de faire disputer le sprint sur trois tours de piste qui doit déterminer le vainqueur. Aussi d'un commun accord, coureurs et officiels décident que le classement de l'étape sera celui du contrôle de Ville d'Avray. C'est alors qu'une éclaircie survient ... Vite les coureurs se mettent en piste pour satisfaire le public. Aucouturier et Cornet prennent la tête, lâchent Dortignac tandis que les autres, Maurice Garin, Pothier, Jousselin, Samson, Catteau, préfèrent tourner lentement. Aucouturier bat Cornet de 100 mètres et Dortignac de 300 m. Les autres se sont arrêtés. La foule avait envahi la pelouse et portait déjà Aucouturier et Maurice Garin en triomphe.
Les concurrents sur la piste du vélodrome du parc des Princes
Maurice Garin gagne donc son deuxième Tour de France, mais partage la vedette avec Aucouturier, vainqueur de quatre étapes. Par suite du retard qu'il a pris à la suite de sa chute et ses maux d'estomac dans la première étape, celui-ci n'a pu inquiéter ni Maurice Garin, ni Pothier, les deux premiers du Tour pour le classement général.
En 1903, près de 3 heures séparaient Maurice Garin et Pothier au classement final. Un peu plus de trois minutes seulement séparent les deux hommes en 1904. Maurice Garin d'ailleurs, ne prend l'avantage sur son rival que sur la fin de la dernière étape. Le marquage entre ces deux coureurs - tous deux de "La Française" - et le manque de combativité, de concurrents aussi, hormis Aucouturier, rend ce Tour assez monotone.
Tour sans histoire quant à son résultat, mais véritable casse-tête pour Henri Desgrange. En effet, en se souvient que la 2ème étape, et plus encore la 3ème étape ont donné lieu a maintes réclamations. Henri Desgrange, écoeuré accuse le coup, et le Tour à peine terminé, déplore le chauvinisme local, le manque d'esprit sportif du public, les combines des ccureurs et des constructeurs. Il déclare avoir sanctionné les fautes venues à sa connaissance mais que, certaines ayant pu lui échapper, le registre des réclamations reste ouvert encore trois jours pleins. Puis pour finir il annonce qu'il laissera désormais à. d'autres le soin d'organiser une épreuve de cette envergure. Le Tour de France n'aura donc plus lieu, victime en partie de son succès !
Maurice Garin sur bicyclette "La Française" à gauche et son jeune frère à droite.
Mais Henri Desgrange n'est pas au bout de ses soucis. L'Union Vélocipédique de France commence par refuser d'homologuer les résultats. Elle ouvre une longue et minutieuse enquête. Le verdict tombe le 30 Novembre 1904 : sous la présidence de Léon Breton, la Commission sportive de l'U.V.F. prend à l'unanimité les décisions suivantes :
- sur 27 arrivants, 12 sont disqualifiés dont les quatre premiers, convaincus d'avoir violé les règlements !
- Maurice Garin est suspendu pour 2 ans, Payan et Prévost pour 1 an et Pothier à vie (ainsi que Chaput et Chevallier) !
- Cornet, 20 ans, coureur de 4ème Catégorie, courant d'ailleurs sur machine poinçonnée - est déclaré vainqueur sur le tapis vert.
Pothier classé 2ème... qui sera disqualifié en décembre 1904.
L'abandon de Beaugendre, à la suite de l'incident à l'arrivée à Bordeaux, lui a peut être coûté le Tour. Il était à ce moment-là 4ème au classement général avec 15 minutes d'avance sur Cornet. Il aurait pu sans doute conserver sa place et de ce fait, être déclaré vainqueur ... Cornet reste à ce jour le plus jeune vainqueur du Tour de France.
On a beaucoup épilogué sur cette "victoire". Compte tenu de la rigueur de l'enquête de l'UVF, on peut conclure que Cornet a couru régulièrement. Par ailleurs, il a souvent fait parler de lui. Sans tricherie de ceux qui le précédaient, il aurait certainement obtenu un meilleur classement final. On lui a reproché de n'avoir rien fait par la suite. Pourtant, son début du Tour 1905 fut bon. En outre, Cornet a gagné Paris-Roubaix, course qui ne figure pas sur tous les palmarès ... Il n'était pas une vedette, mais certainement un très bon coureur.
Quoi qu'il en soit, il est incontestablement le vainqueur de la Catégorie "poinçonnée".
Commentaires : "La Vie au Grand Air - HS n°1".
Photos "La Vie Illustrée" du 29 juillet 1904
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L'Auto - Vendredi 2 décembre 1904
On verra plus loin les décisions qu'a prises l'Union Vélocipédique de France, les pénalités qu'elle a prononcées contre nombre de coureurs, les disqualifications dont elle a frappé les premiers ; on lira aussi les considérants dont elle a accompagné sa sentence.
Il est fort difficile d'appécier en toute connaissance de cause si les lourdes punitions dont elle a frappé les principaux coureurs ont été motivées par de sérieuses raisons, puisqu'elle ne nous donne que le résultat de ses décisions sans nous indiquer les documents qui lui ont servi à les établir.
Il n'est pas exagéré de soutenir que l'opinion publique demandera à l'Union Vélocipédique quelques explications et que celle-ci n'hésitera pas à les fournir. Nous avons, quant à nous, eu recours à elle, comme au Pouvoir Suprême, au Pouvoir entièrement indépendant, bien qualifié, seul qualifié pour trancher en dernier ressort dans une affaire aussi délicate et à propos d'un événement sportif qui, durant un mois, émut si fort l'opinion publique.
Nous sommes, jusqu'à preuve du contraire, qu'on ne nous établira jamais, j'en suis certain, convaincu que la Commission Sportive a jugé en son âme et conscience, et que cette conscience n'a rien à lui reprocher. Je crois pourtant, et je vais dire pourquoi, je crois qu'elle vient de commettre une très lourde faute en donnant une semblable sanction à une course de l'ampleur du Tour de France. On dit de ceux qui la commettent qu'ils ont confondu l'esprit et la lettre du règlement.
Devant moi, les chefs des deux grandes maisons frappés par le verdict de l'U.V.F. ont donné à tout leur personnel attaché à la course les ordres les plus sévères et les plus rigoureux pour suivre strictement le règlement. J'ai personnellement suivi deux étapes et je puis affirmer qu'aucune faute, aucune fraude ne fut commise qui valût une répression semblable pour un quelquonque coureur de ces deux marques.
J'ajoute que dans le dossier que les commissaires de la course ont transmis à l'U.V.F. il n'y avait point matière à des pénalités aussi lourdes et que, si l'enquête à laquelle l'U.V.F. s'est livrée a révélé des faits inconnus, elle doit à l'opinion publique et aux constructeurs intéressés de les publier.
Et, comme il n'y a plus aucun inconvénient à le dire, puisque la sentence est prononcée,
j'aurais personnellement jugé autrement et, respectant les disqualifications de Chevalier
et de Payan, qui furent tous deux des "flagrants délits", j'aurais associé à leur sort Pothier.
Aux autres j'aurais largement distribué des amendes ils n'ont pas, je le crains bien, mérité davantage. Il restera à l'U.V.F. à prouver le contraire à l'opinion publique, à ceux que j'appellerai des victimes, et aux constructeurs, et à prouver qu'elle sait faire une distinction entre l'esprit et la lettre du règlement.
Henri Desgrange.
1. Hippolyte Aucouturier (Fra) en 19h28'00" (*) (moy : 24.195 km/h)
2. Maurice Garin (Fra) (*)
3. Jean-Baptiste Dortignacq (Fra) à 10"
4. Lucien Pothier (Fra) à 3'00" (*)
5. César Garin (Fra) (*)
6. Louis Colsaet (Bel) à 4'00"
7. Henri Cornet (Fra) à 11'50"
8. Julien Lootens "Samson" (Bel) à 18'34"
9. Achille Colas (Fra) à 20'00"
10. Philippe Jousselin (Fra) à 43'00"
11. Gustave Drioul (Bel) à 57'00"
12. Auguste Rist (Fra) à 1h11'00"
13. Auguste Daumain (Fra) à 1h26'00"
14. Alois Catteau (Bel) à 2h20'00"
15. Jean Dargassies (Fra) à 2h27'00"
16. Maurice Carrere (Fra) (él.5°)
17. Julien Maitron (Fra) à 3h53'00"
18. Auguste Gauthier (Fra)
19. Camille Fily (Fra) (él.2°)
20. René Saget (Fra) à 3h56'00"
21. Eugène Delhaye (Bel) à 4h42'00" (él.6°)
22. Damelincourt (Fra) à 6h12'00"
23. Henri Paret (Fra) à 7h47'00"
24. Eugène Geay (Fra) (él.5°)
25. Antoine Deflotriere (Fra) à 9h52'00"
26. Philippe De Balade (Fra) à 10h42'55" (él.5°)
27. Chaput (Fra) à 16h22'00" (*)
Tour de France 1904
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