Ottavio BOTTECCHIA
né le 1 août 1894 à San Martino di Colle Umberto
décédé le 15 juin 1927 à Peonis
1922 2ème de la Coppa Abazia 2ème du
Giro d'Irpinia e Sannio 8ème du Giro di Lombardia
1923 2ème
du Tour de France - 1er de la 2ème étape - 2ème
de la 1ère étape - 2ème de la 8ème étape - 2ème
de la 9ème étape - 3ème de la 3ème étape - 4ème
de la 5ème étape - 5ème de la 11ème étape - 5ème
de la 13ème étape - 6ème de la 6ème étape - 6ème
de la 7ème étape - 7ème de la 14ème étape - 9ème
de la 4ème étape 2ème
de la Coppa Cavaino 4ème de Roma-Napoli-Roma (XX Settembre) 4ème
du Giro di Lombardia 5ème du Giro d'Italia - 1er
des "isolé" - 6ème de la 6ème étape -
7ème de la 1ère étape - 7ème de la 3ème étape -
7ème de la 4ème étape - 8ème de la 8ème étape -
10ème de la 9ème étape 6ème du Giro di Romagna 9ème
de Milano-San Remo
1924 Vainqueur du Tour
de France - 1er de la 1ère étape - 1er de la 6ème
étape - 1er de la 7ème étape - 1er de la 15ème
étape - 2ème de la 5ème étape - 3ème de la 8ème
étape - 4ème de la 9ème étape - 4ème de la 10ème
étape - 4ème de la 12ème étape - 5ème de la 4ème
étape - 5ème de la 11ème étape - 6ème de la 3ème
étape - 10ème de la 14ème étape C'est
la première fois de l'Histoire que le vainqueur porte
le Maillot Jaune de bout en bout. 1er du Giro
della Provincia Milano avec Costante Girardengo -
1er de l'australienne - 2ème du tour de piste 5ème
de Milano-San Remo 8ème de Paris-Tours 12ème du
G.P Wolber
1925 Vainqueur
du Tour de France - 1er de la 1ère étape - 1er
de la 6ème étape - 1er de la 7ème étape - 1er
de la 18ème étape - 2ème de la 4ème étape - 2ème
de la 11ème étape - 2ème de la 12ème étape - 2ème
de la 13ème étape - 2ème de la 14ème étape - 3ème
de la 5ème étape - 3ème de la 8ème étape - 4ème
de la 9ème étape - 4ème de la 10ème étape - 5ème
de la 2ème étape - 5ème de la 15ème étape - 5ème
de la 17ème étape - 9ème de la 16ème étape 1er du
Giro della Provincia Milano avec Costante Girardengo -
1er du tour de piste - 3ème de l'australienne 1er à San Giovanni
a Teduccio 1er des 6 heures de Buenos-Aires Abandon
à la Vuelta al Pais Vasco - 6ème de la 1ère étape Non-partant
au G.P Wolber
1926 2ème
de la Vuelta al Pais Vasco - 1er de la 2ème étape -
4ème de la 1ère étape - 4ème de la 3ème étape -
8ème de la 4ème étape 4ème
du Giro di Lombardia 5ème du Championnat d'Italie 22ème
du Circuit de Paris Abandon
au Tour de France (10ème étape) - 6ème de la 4ème
étape - 6ème de la 7ème étape - 6ème de la 8ème
étape - 7ème de la 6ème étape - 8ème de la 9ème
étape - 10ème de la 5ème étape
La légende engendre parfois le sulfureux voir l'abracadabrantesque. En revanche,
elle s'imprègne, le plus souvent, de parcours humain hors du commun. Le bref,
mais ô combien riche, tracé existentiel du "Maçon du Frioul" en
est un des fleurons les plus représentatifs. Ottavio Bottecchia, comme nombre
de ses congénères Européens, va subir les affres des errements gouvernementaux
qui aboutiront, comme chacun sait, à cette sordide "Grande Guerre".
Le morbide de la situation, le jeune maçon de San Martino di Colle Humberto,
va l'affronter nanti d'une lucidité et d'un culot inouï. Affecté, dès le
début du conflit, au sein d'une section cycliste Bersaglieri, Ottavio rejoint
le front du nord à la frontière Autrichienne. Pris dans les méandres de combats
douteux, il est fait prisonnier à trois reprises. Epris de liberté, l'inconscience
à fleur de peau, il prendra congé de ses hôtes encombrants et méprisants
en ces trois occasions. A bicyclette ! Le rocambolesque de ses évasions ne
serait nullement apparu incongru aux scénarii les plus accomplis de nos chers
metteurs en scène du septième art de cette époque en plein balbutiement.
De retour au pays, notre héros reprend le collier, la truelle en l'occurrence,
sans se soucier ni songer d'ailleurs un seul instant que ses exploits puissent,
un jour, avoir franchit les lignes confidentielles des aires de combats. Hors
un ami compatriote et cycliste, en outre, tente de lui mettre le pied à l'étrier.
En vain, dans un premier temps. Ottavio Bottecchia n'a jamais considéré le
vélo comme autre chose qu'un moyen de locomotion voir d'évasion. Pourtant,
deux années plus tard, toujours sous la houlette de son ami de la première
heure Piccin, le "Maçon du Frioul" passe professionnel. Ces deux
ans de réflexion n'ont toutefois pas altéré sa désaffection pour la "Petite
Reine" et c'est sans flamme ni ambition démesurée que le "Frioulais"
débute dans la carrière. Huitième au "Lombardie" 1922, il termine
à la cinquième place du Giro une saison plus tard. Libellé arbitrairement
"Gregario", il est enrôlé par les frères Pélissier lors de la
Grande Boucle 1923. Hiérarchie oblige, surtout lorsque l'on porte le nom hautement
vénéré des Pélissier, le Transalpin se hissera tout de même sur la deuxième
marche du podium à Paris. Le destin est en marche.
Son Tour de France 1924 restera dans les annales comme le plus accompli. Sous
les yeux d'un Albert Londres, au sommet de sa prose dithyrambique, Ottavio Bottecchia
portera la tunique jaune de bout en bout, ouvrant le bal par un succès et clôturant
celui-ci de la même manière, et parviendra à Paris plus d'une demi-heure
avant le "Teinturier" alias le Luxembourgeois Nicolas Frantz, coursier
ô combien éclectique, élégant, racé et redoutable finisseur (lauréat en
27 et 28). Il récidivera en 1925 s'imposant le premier et le dernier jour,
de fort belle manière, tout en atomisant partenaires et adversaires. A l'instar
de l'année précédente, le Transalpin domine l'épreuve et se trouve à bonne
distance d'un éventuel retour du "Teinturier". La veille de cette
treizième étape Nice-Briançon, Bottecchia s'est encore illustré en mystifiant
le coureur du "Grand Duché" lors de l'étape menant les coureurs
de Toulon à Nice. Sur un parcours dénué de difficultés majeures, l'Italien
intenable mais pas insatiable fera fructifier l'escarcelle à minutes et, beau
seigneur, abandonnera sprint et étape à Lucien Buysse, adversaire valeureux
s'il en est. Allos, Vars, Izoard, le "Maçon du Frioul" n'apparaît
pas effrayé outre mesure à l'idée de les dompter.
En effet, le coussin de vingt-sept minutes alloué par son adversaire Luxembourgeois,
le rendrait presque guilleret. Enjoué, certes, mais pas hilare tout de même.
Par expérience, Bottecchia subodore que ces adversaires, dont le "teinturier",
sont sur des charbons ardents et vont tout tenter pour le déstabiliser. Il
sait qu'il lui faudra museler l'adversité coûte que coûte. Sa maturité,
sa science de la course, ses ressources intactes feront le reste, semble t'il
penser. Il apprécie, lui le besogneux, le combat, les joutes chevaleresques
mais fraternelles. De ses évasions irrationnelles, il a conservé la pulsion
phénoménale du jusqu'au boutiste qu'il fut en ces occasions.
Au matin de ce 9 juillet, le classement général apparaît d'une limpidité
déconcertante. Notre "maçon" trône, en jaune, avec un peu plus
de vingt minutes sur l'esthète Luxembourgeois et un peu moins d'une demi-heure
sur le Belge de service, Albert Dejonghe. Le match italo-luxembourgeois va connaître,
en ces lieux, son épilogue. La météorologie est exécrable et la pluie qui
tombe sans discontinuée, transperce les corps meurtris et lasse un peloton
déjà passablement amoindri. Le col d'Allos vient à point nommé pour exciter
les velléités offensives des sempiternels frustrés. C'est le cas du bouillonnant
Angelo Gremio qui, après un solo de grand cru, franchit en tête le sommet
de cette première difficulté. Victime d'une crevaison inopportune dans la
descente, le Transalpin de Meteore-Wolber est rejoint puis déposé, tel un
laisser pour compte, par le Belge August Verdyck. Auteur d'une descente prodigieuse,
le représentant d'Outre Quiévrain creuse un écart substantiel de deux minutes
sur son compatriote Omer Huysse et de trois minutes sur un duo Italien composé
de Bartolomeo Aimo, de le formation Alcyon, et de l'incontournable leader de
l'épreuve, Bottecchia. Nicolas Frantz, dont la masse pondérale n'a d'égale
que la vélocité dont il use lors des emballages finaux, traîne ses quatre-vingt
kilos comme une âme en peine. Maculé de boue, le puissant Luxembourgeois prend
place dans la première charrette d'agonisants notoires. A l'avant, le Belge
de l'équipe Christophe, toujours aussi démonstratif sur sa monture, brise
soudain sa roue avant et se voit dans l'obligation de stopper sa folle chevauchée.
A regret, il campe au côté de son vélo disloqué, dans l'attente d'un secours
hypothétique qui n'apparaîtra qu'une demi-heure plus tard.
La physionomie de la course est, dès lors, toute autre. Dans les premières
pentes du col de Vars, Aimo, au train, décramponne Bottecchia. Ce dernier,
le port altier, ne semble nullement préoccupé par cet affront. En fait, la
surveillance "aérienne" et les faits et gestes du massif "Teinturier",
qui déambule quelques lacets en amont, suffit a attisé une motivation jamais
démentie. L'ascension de l'épouvantable, mais incontournable, Izoard qui se
profile tel un spectre ancestral à l'horizon, sera un véritable calvaire pour
les rescapés de cette journée apocalyptique. Le froid, la pluie et la boue
mêlés transforment la silhouette des coursiers en véritables et hallucinants
zombies. On ne distingue que difficilement les coureurs de tête. Dans l'opacité
du chaos, on subodore, plus qu'on ne voit, Huysse et Verdick planté sur leurs
bécanes. Frantz, lui, semble avoir retrouvé un soupçon de fierté et se déhanche
nonchalamment en tentant un ultime mais dérisoire retour. Nanti de cinq minutes
sur son dauphin, à ce moment là de la course, le "Maçon du Frioul"
éreinté, comme ses petits camarades de souffrance, met pied-à-terre et décide
tout de go de poursuivre mais de muer la montée de "l'Abominable"
en randonnée pédestre. Revigoré et requinqué par cet intermède insolite,
Ottavio chevauchera à nouveau son fier "destrier" puis basculera,
prudemment néanmoins, dans la descente salvatrice. Bartolomeo Aimo, le bougre
franchit sans encombre, mais au prix de sacrifices surhumains, le sommet de
l'ultime col du jour et plonge vers Briançon. A l'arrivée, le coéquipier
de Nicolas Frantz conservera dix minutes d'avance sur le maillot jaune et un
peu plus de quinze minutes sur son leader. L'écart, entre l'Italien et le Luxembourgeois,
ne cessera de croître jusqu'à Paris où le "Maçon du Frioul" remportera,
haut la main et sans trembler, sa deuxième Grande Boucle d'affilée. Ce sera,
également, son dernier triomphe. Après son abandon, lors de l'étape Bayonne-Luchon
sur le Tour de 1926, Ottavio Bottecchia tirera sa révérence à 33 ans.
La symbolique voulut qu'il décède à cet age. Les causes énigmatiques de
son décès s'apparentent assez au fil de sa carrière brillante mais éphémère.
Du complot politique au fait divers le plus sordide en passant par l'accident
le plus invraisemblable, la rumeur s'évanouira telle qu'elle était apparue
à savoir, d'elle même bien à l'image de ce coursier discret et talentueux
suscitant respect et admiration de tous les tifosis. Ces dernières années,
depuis l'émergence de Greg LeMond plus précisément, il est de notoriété
publique de se convaincre béatement qu'un succès dans le Tour de France nécessite
impérativement une éviction sans concession de toutes épreuves importantes
précédant l'échéance de juillet. Il est stipulé en outre que jamais, ô
grand jamais, ces méthodes drastiques et stakhanovistes n'étaient usités
par nos aïeux. Hors force est de constater que la carrière d'Ottavio Bottecchia
est l'exemple type du coursier qui a, délibérément, tout délaissé pour
remporter la Grande Boucle. Le "Maçon du Frioul" apparaît donc comme
le précurseur de cette "méthode", il y a de cela, quatre vingt ans
! La spécialisation n'est aucunement l'apanage de nos contemporains, bien que
ceux-ci tentent maladroitement et à longueur de temps, de nous le laisser croire,
qu'on se le dise !
Michel Crépel
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