Henri GARNIER
né le 19 octobre 1908 à Feschaux
décédé le 4 janvier 2003 à Hermeton-sur-Meuse
D'un caractère bien trempé, Henri savait ce que signifiait le mot "se
battre". A l'âge de 15 ans, pour ramener de l'argent à sa famille, l'homme
a dû travailler. C'est au port de Givet qu'il a débuté sa carrière. En 1924,
Henri reçoit son premier vélo. Il coûtait 390 francs belges, de marque Nabro
La Reine Verviétoise. Henri l'enfourche, chaque jour, pour se rendre au port
de Givet pour exercer son métier d'ouvrier débardeur, avec un salaire de 1,215
franc belge de l'heure. C'est à ce moment qu'il prend goût à la Petite Reine
avec les encouragements d'hommes expérimentés. Son caractère entier et sa
générosité dans l'effort font de lui un homme qui s'impose rapidement dans
les pelotons.
C'est à l'âge de 20 ans qu'il se met à collectionner les succès, une trentaine,
conquis tantôt chez les juniors, tantôt en "toutes catégories".
Cependant, toujours en solitaire. En 1930, Henri épouse Melle Emilie Warin
qui lui donnera six filles et un fils. Ce contrat passé avec Emilie durera
72 ans, fait assez rare pour être mentionné. Henri revient travailler dans
son pays, avec un salaire de 5,50 franc belge de l'heure. Le dimanche, il participe
aux courses dans la région dinantaise. Quinze victoires sur quinze courses.
Il se décide à prendre une licence de junior licence avec le cachet international
ce qui lui permet de disputer craintes course avec les professionnels et aspirants
en France. Lors de sa première course à Charleveille, il s'empare de la 4ème
place. La semaine suivante, au Grand Prix de la Métallurgie des Ardennes à
Charleville, il aura le déclic après avoir remporté brillamment l'épreuve,
avec cinq minutes d'avance sur le fameux Nicolas Frantz, vainqueur de deux Tours
de France et 3ème au Championnat du Monde. Prenant de plus en plus confiance
en ses moyens, Henri passe en 1931 dans la catégorie des Indépendants. Cette
année là, il prend part au Tour de Belgique. Alors qu'il occupe la 15ème
place au classement général, il casse une roue et personne pour lui venir
en aide. Il est contraint d'abandonner.
1932 sera également une bonne année : il termine 4ème du Tour de Belgique,
3ème de l'épreuve à étape Bruxelles-Luxembourg-Bruxelles. En 1933, Henri
est présent sur tous les terrains et lutte jusqu'au bout pour le titre de critérium
du Meilleur Indépendant dont le détenteur final, De Caluwé, est aussi le
seul à pouvoir le devancer au Tour de Belgique. Il manque de peu la victoire
à Paris-Lille (course disputée aux côtés des plus grands). Henri gagne la
plupart de ses courses, en puissance. Sa position préférée en course : devant...
"je ne calcule pas mes efforts" disait-il mais entre deux compétition,
afin d'assurer un salaire régulier, Henri fait partie d'une équipe d'installateurs
de poteaux électriques en béton. Son chef d'équipe appréciait à sa manière
les mérites d'Henri en l'autorisant à quitter le chantier une ou deux fois
par semaine, l'après-midi, pour lui permettre de s'entraîner.
Par ailleurs, lorsqu'il a un problème à régler avec la fédération cycliste,
la Ligue Vélocipédique Belge, Henri enfourche son vélo pour un Falmagne-Bruxelles
et retour à la vitesse moyenne de 27 km/h. C'est en 1934 qu'Henri fait ses
débuts chez les professionnels au Circuit de l'Ouest où il termine à la 5ème
place. Il prend part au Tour de Belgique. Il chute et est obligé d'abandonner.
Il participe à son premier Tour de Suisse. Il y termine à une brillante 7ème
place. L'année suivante, Henri est à nouveau au départ du Tour de Belgique.
Il termine à la 2ème place après avoir surmonté des ennuis dus à un bris
de son vélo "Francis Pelissier" dans l'étape Namur-Ostende. En 1935,
Henri fait connaissance avec la Grande Boucle. Il est sélectionné dans l'équipe
belge aux côtés de Romain Maes. Au cours de la 2ème étape qui relie Lille
à Charleville, Henri fait preuve d'abnégation et se met au service de son
leader. Suite à une crevaison de Sylvère Maes, Henri décide de rester avec
lui et de l'aider à réintégrer le peloton. Après être rentré dans le peloton,
c'est au tour du leader de l'équipe belge, Romain Maes qui allait porter le
maillot jaune de bout en bout, de subir une crevaison. Les Italiens et les Français
profitent de cet incident pour prendre de nombreuses minutes aux Belges. Toutefois,
c'est sans compter sur le dévouement d'Henri. Il décide de mener un train
d'enfer pour rejoindre les fuyards. Le regroupement s'opère à Rocroi. A Charleville,
Henri se permet de pénétrer sur le vélodrome avec quelques longueurs d'avance
espérant qu'un de ses équipiers, Edgard De Caluwé ou Gustave Danneels, va
décrocher la timbale. A l'issue du sprint, la victoire revient toutefois au
Français Charles Pélissier, autre grand spécialiste des arrivées sur piste...
Ce jour là, le directeur sportif félicite chaleureusement Henri pour le travail
fourni pour l'équipe belge. Romain Maes avait pu garder sa tunique jaune de
leader au classement général. Henri est donc désigné comme "domestique"
pour les étapes suivantes par le directeur sportif. Ce qui ne fait pas son
affaire. Henri n'a plus guère le moral et décide de quitter la Grande Boucle
au sommet du Col de Vars, au cours de la 9ème étape Gap-Digne (227 km). Il
prend encore part au Tour de Suisse où il se classe 3ème au général et au
Circuit des Trois Frontières où il finit à la 2ème place.
1936 est une grande année pour Henri. Il se classe 4ème au Tour de Belgique.
Il participe au Tour de Suisse après moult péripéties. En effet, il n'était
pas retenu dans la sélection opérée par la Ligue Vélocipédique Belge. Henri
doit sa participation aux journalistes Albert Van Lathem et Pol Beving du journal
"Les Sports", qui contactent les organisateurs suisses. Ceux-ci acceptent
qu'Henri prenne part à la 6ème édition de leur Tour. Il remporte la 1ère
étape Zurich-Davis (228 km) et s'empare de la tunique jaune qu'il portera jusqu'au
terme de l'épreuve. Il remporte la victoire finale devant les plus grands,
avec une moyenne horaire de 36,22 km/h améliorée seulement en 1958. Il est
le premier belge à remporter ce tour. Il enlève en outre le classement individuel
du meilleur grimpeur. L'équipe belge dans laquelle il a été intégré suite
à l'abandon de Moerenhout remporte le classement final par équipe. Pour honorer
cette extraordinaire victoire et ce grand champion, la ville de Dinant reçoit
en grande pompe Henri, qui se voit offrir une chambre à coucher. Il se classe
ensuite 6ème de Paris-Belfort. Une quinzaine de jours après sa victoire en
suisse, Henri est au départ du circuit du Midi. Lors de la 2ème étape Bayonne-Tarbes,
Henri franchit le sommet de l'Aubisque avec 10 minutes d'avance sur les poursuivants.
Il est pris d'une insolation. Un suiveur de la caravane de la course croyant
bien faire, lui verse une cruche d'eau glacée sur la tête, ce qui lui fut
fatal. Il est victime de trois chutes successives dans la descente de l'Aubisque
et souffre d'un éclatement de l'oreille droite ainsi que d'une fracture de
la clavicule de l'épaule droite. Il est emmené à la clinique de Tarbes. Cet
accident aura des conséquences pour la suite de sa carrière de cycliste.
En 1937, Henri se présente pour la 4ème fois au départ du Tour de Suisse.
Alors qu'il occupe la 2ème place au classement général, une lourde chute
dans le tunnel du Gothard l'oblige à mettre définitivement un terme à sa
carrière cycliste. Henri aurait pu allonger son palmarès si la malchance ne
s'en était pas mêlée. Celle-ci a brisé un destin plus que prometteur. Henri
avait l'étoffe d'un champion : force de caractère et esprit combatif. Impérial
en montagne. Henri savait aussi se mettre à la disposition de son équipe.
Pour preuve, lors du Tour de France de 1935, grâce au soutien d'Henri, Romain
Maes avait pu un certain jour garder sur ses épaules le prestigieux maillot
jaune. Incontestablement, Henri fut le dernier coureur d'une grande époque.
Sa devise consistait à aller toujours à fond et à donner le meilleur. Il
a appliqué cette devise durant toute sa vie.
Au sortir de la deuxième guerre mondiale, Henri décide de s'installer comme
agriculteur. A la sueur de son front et conseillé par ses parents, il fait
prospérer son exploitation pour faire vivre sa famille nombreuse. Fin des années
70, début des années 80, Henri reprend le vélo pendant la bonne saison. Ce
glorieux septuagénaire effectue encore, deux fois par semaine, des sorties
de 50 à 80 km.
Comme aiment le raconter sa fille Anne-Marie et son époux, Henri enfourchait
sa machine, musette accrochée au dos. Il gravissait la côte de Falmignoul
pour se rendre à Givet, au magasin Chappi, acheter un camembert et une bouteille
de rouge. Henri avait gardé aussi sa puissance et sa solidité. On le voyait
en d'autres circonstances rentrer régulièrement à Falmagne, après avoir
avalé la côte de Falmignoul, tenant son vélo d'une main et de l'autre un
sac de denrées de 100 kg sur l'épaule. Parfois, il roulait avec sur l'épaule,
un second vélo qu'il venait de faire réparer par son ancien mécanicien à
Dinant. Henri n'hésitait pas à s'adonner à son sport favori : il avalait
les côtes de Feschaux, de Falmignoul sans problème. Il disait : "Je
les monterai jusqu'au moment où je ne pourrai plus". "Il montait
sur son vélo comme un jeune sportif" explique son beau-fils. Il avait
une puissance, une force, une volonté, une persévérance exceptionnelles.
Il ne se laissait pas abattre. Il a pu pratiquer son sport favori jusqu'à l'âge
de 82 ans. Il continuait à suivre les courses cyclistes à la télévision.
Il était acharné par le Tour de France. C'est ainsi qu'en été, sa télévision
étant tombée en panne, il avait exigé de lui trouver une autre TV pour suivre
le déroulement de la course qu'il regardait dans le silence le plus strict,
interdiction de bouger une tasse ! Lorsque l'on l'entretenait sur le dopage,
Henri, l'œil rieur, prêt à lancer une blague comme lors des soirées d'étapes,
affirmait : "Bien sûr que je me dopais. J'avais même ma spécialité.
Je me préparais un litre de bière de table avec 25 morceaux de sucre. Un vrai
sirop. J'étais une bonne fourchette. Je mangeais de tout et principalement
beaucoup de riz".
Par ailleurs, Henri déclarait "qu'il aurait voulu naître 20 ans plus
tôt pour courir à l'époque des athlètes du vélo. Tous avaient à peu de
choses près, les mêmes mécaniques. Pour gagner alors, il suffisait d'être
le plus fort à pousser sur les pédales !".
C'est au début de 2003, le 4 janvier, que s'est éteint Henri Garnier à Hermeton-sur-Meuse.
Michel Noël avec l'aide des Archives de la fille d'Henri Garnier, Madame Anne-Marie
Bray-Garnier et le travail réalisé par l'arrière petit-fils d'Henri Garnier,
Franck Minet. Débuts en 1924 1928 et 1929 - junior et "Toutes catégories" 30 victoires 1930 - junior "international" En
France avec les professionnels et aspirants : 1er
du G.P de la Métallurgie des Ardennes à Charleville 4ème
du G.P Devred à Charleville 5ème de Paris-Melun (G.P
Pélissier) 1931 - indépendant 4ème du Horion-Hozémont Abandon
au Tour de Belgique (2ème étape) 1932 - indépendant 1er
à Givet 1er à Châtelet 1er à Jodoigne 1er à
Bastogne 3ème de Bruxelles-Luxembourg-Bruxelles 4ème
du Tour de Belgique 1933 - indépendant 2ème
du Tour de Belgique - 3ème de la 1ère étape 4ème
du Critérium du meilleur indépendant 5ème du Circuit
Disonais 5ème du Tour des Flandres 6ème du Circuit
Dinantais Avec les professionnels : 8ème
de Paris-Lille Passe professionnel en septembre 6ème
du Circuit de l'Ouest 1934 - Thomann-Barnou 2ème
du Circuit des 3 Frontières à Longwy 3ème à Charleroi 4ème
à Micheroux 7ème du Tour de Suisse 10ème de Paris-Rennes 15ème
de Paris-Lille 23ème de Pris-Bruxelles 25ème de
Paris-Nice 30ème du Championnat de Belgique 36ème
de Paris-Roubaix Abandon
au Tour de Belgique (3ème étape) 1935 - Francis
Pélissier 2ème du Tour de Belgique - 4ème de la
1ère étape - 4ème de la 2ème étape 3ème du Tour
de Suisse - 4ème de la 1ère étape - 5ème de la
3ème étape 3ème du G.P de Famenne à Beauraing 4ème
du Circuit des 3 Frontières à Longwy 6ème de Paris-Verdun 7ème
de Paris-Boulogne 15ème de Paris-Vichy 18ème du
Championnat de Belgique Abandon
à Paris-Nice (non-partant 3ème étape) Abandon au
Tour de France (9ème étape) 1936 - France
Sport et Allegro 1er du Tour de Suisse - 1er du
classement du meilleur grimpeur - 1er de la 1ère
étape - 2ème de la 2ème étape - 4ème de la 3ème
étape 4ème du G.P de Spa 4ème du Tour de Belgique -
4ème de la 3ème étape 6ème de Paris-Belfort 15ème
de Paris-Bruxelles Abandon au Circuit du Midi -
7ème de la 1ère étape 1937 - France Sport
et Allegro 4ème de Bruxelles-Hozémont 4ème de
Bruxelles-Verviers 5ème de Paris-Sedan 7ème
de Liège-Bastogne-Liège 8ème de la Flèche Wallonne 9ème
du G.P du Condroz 11ème du G.P de Wallonie 13ème
du Tour du Luxembourg Abandon à Paris-Nice Abandon
au Tour de Suisse (3ème étape) - 2ème de la 2ème
étape Abandon au Tour de Belgique (3ème étape)
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