Firmin LAMBOT
né le 14 mars 1886 à Florennes
décédé le 19 janvier 1964 à Anvers
Firmin Lambot, dit "Dèjo", voit le jour le 14 mars 1886 à Florennes
à l'ancienne rue de Rosée, aujourd'hui rue H. de Rohan Chabot, ancien bâtiment
Geerts. Il est le fils de Louis et Alphonsine Sibille. Deux ans et cinq jours
plus tard, toujours à Florennes, c'est Léon Scieur dit "Papau",
qui verra le jour, à l'extrémité de la rue de Mettet. Firmin exerce le métier
de bourrelier et se passionne pour le sport cycliste.
Dès 1908, Firmin en tant que professionnel, engrange des succès : 1er à Velaine-sur-Sambre,
1er à Mazy, 1er à Genappe, 1er à Fosses, 1er à Andenne. Il se classe 2ème
du Championnat des Flandres et de Charleroi-Beaumont-Charleroi. L'année suivante,
il termine 4ème du Championnat de Belgique. En 1910, il se classe 7ème du
Tour de Belgique. En 1911, Firmin obtient une 8ème place au Championnat de
Belgique et une 23ème place à Paris-Brest-Paris. Il prend part pour la 1ère
fois à la Grande Boucle. Porteur du dossard 28 dans l'équipe Le Globe, il
s'élance de Paris avec 83 autres concurrents pour couvrir 5344 kilomètres
en 15 étapes. Au menu, ils doivent notamment aborder, pour la première fois,
l'escalade des Cols du Galibier, du Télégraphe, d'Allos et de Valjelaye.
Cette 9ème édition est émaillée par divers incidents et remportée par le
Français Gustave Garrigou avec 43 points. Firmin termine cette Grande Boucle
à une honorable 11ème place avec 178 points.
On remarque déjà que Firmin se classe régulièrement parmi les 10 premiers
à l'issue des étapes de montagne. Ainsi, il termine 6ème à Chamonix, 10ème
à Grenoble, 6ème à Luchon, 7ème à Bayonne.
En 1912, après avoir pris part au Championnat de Belgique où il se classe
5ème et au Tour de Belgique où il termine à la 7ème place, Firmin se présente
à Paris au départ du Tour de France.
Toujours dans l'équipe Le Globe, Firmin porteur du dossard 39, parvient à
rallier le Parc des Princes à Paris. Il termine au classement final à la 18ème
place avec 265 points. L'édition de 1912 est enlevée par Odiel Defraye, 20
ans, qui apporte à la Belgique enthousiaste, la 1ère victoire dans le Tour.
Au cours de cette Grande Boucle, Firmin termine 3ème de la 7ème étape Nice-Marseille.
Firmin est considéré comme le spécialiste des longues courses à étapes.
En 1913, il est fidèle au rendez-vous à Paris pour le départ de la Grande
Boucle dans l'équipe Griffon avec un autre namurois et ami, Félicien Salmon.
Firmin porte le dossard 38 et remporte sa 1ère victoire sur le Tour de France,
lors de la 9ème étape, Aix-en-Provence-Nice, 356 km, après être passé en
tête au sommet des cols du Braus et Castillon. Il termine 3ème de la 12ème
étape, Genève-Belfort, à 1'22" du vainqueur, son compatriote Marcel
Buysse. Il apparaît régulièrement dans les dix premières places aux termes
des étapes. A Paris, il termine à une brillante 4ème place à 4h12'45"
du vainqueur final, son compatriote résidant à Florennes, Philippe Thys. Au
cours de la saison 1913, Firmin se classe à la 20ème place de Paris-Roubaix.
En 1914, 145 concurrents, parmi lesquels Firmin, porteur du dossard 17 et équipier
notamment du vainqueur de l'année précédente, Philippe Thys, dans l'équipe
Peugeot-Wolbert, prennent le 28 juin, le départ à Paris de la 12ème édition
de la Grande Boucle. 54 concurrents rallieront Paris.
Au cours de cette édition, Firmin se distingue à nouveau. Il domine Lapize
dans la grande étape pyrénéenne et remporte sa 2ème victoire d'étape, à
l'issue de la 6ème étape Bayonne-Luchon. Après être passé en tête aux
sommets de l'Aubisque, de l'Aspin et Peyressourde, Firmin rallie la ligne d'arrivée
en solitaire, devançant de 7'40" Philippe Thys. Il se classe, en outre,
3ème de la deuxième étape Nice-Grenoble, remportée par le Français Henri
Pélissier avec qui il était passé en tête au sommet du col d'Allos. A Paris,
Firmin termine 8ème, à 5h08'54" du vainqueur Philippe Thys, son équipier
qui enlevait ainsi son deuxième Tour de France. Une semaine après l'arrivée,
l'Allemagne déclare la guerre à la France.
En 1919, la paix est revenue sur l'Europe dévastée. Firmin, inscrit dans la
catégorie des coureurs de première classe, se présente une nouvelle fois
au départ de la Grande Boucle qui en est à sa 13ème édition. Ce Tour de
la reprise est terrible, non seulement parce que les coureurs traversent dans
le Nord et dans l'Est des régions marquées par la guerre, mais aussi parce
que se posent des problèmes de pénurie. Pénurie de boyaux et pénurie de
matériel, obligeant les constructeurs de cycles à se grouper dans un consortium,
La Sportive, équipant quasi la moitié des 67 partants. La pluie et le froid
venant s'ajouter aux 5560 kilomètres à parcourir par des athlètes à court
de condition physique, seuls "onze Héros", onze "Géants de
la Route" atteignent le Parc des Princes. Une hécatombe, qui commence
dès la caillouteuse première étape Paris-Le Havre, qui fait renoncer 26 coureurs,
dont Philippe Thys, vainqueur en 1913 et 1914, également handicapé par des
maux d'estomac. Une étape clef, d'ailleurs, car le Belge Jean Rossius, le vainqueur,
ayant passé un bidon à son compatriote, Philippe Thys est pénalisé de 30'00"
hypothéquant toute sa bonne volonté. La pluie de crevaisons décourage aussi
Jean Alavoine, qui reste ½ heure au fossé avant de se ressaisir. Quand on
sait qu'il termine 2ème à Paris, à 1h42'54" de Firmin, on comprend que
cette édition a tenu à peu de choses.
A la trop grande arrogance des frères Pélissier, présomptueux vainqueurs
des 2ème et 3ème étapes, Henri et Francis se mettent si bien le peloton à
dos qu'ils doivent renoncer à prendre le départ de la cinquième étape, non
sans avoir utilisé le terme de forçats. Eugène Christophe prend alors le
commandement du classement général. Quant à Firmin, il est régulier au cours
de ces premières étapes. Aux arrivées, il apparaît dans les 10 premières
places. A l'issue de la 6ème étape entre Bayonne et Luchon (326 km), il se
classe 2ème à 18'37" du vainqueur, le Français Honoré Barthélémy,
3ème de l'étape suivante, 4ème à l'issue de la 8ème étape à Marseille.
Firmin occupe désormais la deuxième place au général à 30'23" d'Eugène
Christophe. Firmin parvient à reprendre un peu de temps au leader de l'épreuve
au terme de la 10ème étape en prenant la 3ème place.
Samedi 19 juillet, au départ de la onzième étape Grenoble-Genève, Eugène
Christophe, leader de la course, troque son maillot gris de La Sportive pour
une "Toison d'Or", un maillot jaune le distinguant. Léon Scieur,
Jean Alavoine et Firmin Lambot vivent un moment historique.
A ce sujet, depuis longtemps, les journalistes avaient suggéré à Henri Desgrange,
patron du Tour de France, de faire porter par le leader du Tour, un maillot
distinctif. Finalement, Henri Desgrange accepte et choisit tout naturellement
le jaune, comme la couleur du papier sur lequel est imprimé "L'Auto".
Plus tard, le Belge Philippe Thys, triple vainqueur du Tour de France, racontera
qu'en 1913, Henri Desgrange lui avait proposé de revêtir un maillot jaune.
Mais, faute de preuves et de témoins, cette anecdote restera une légende.
Henri Desgrange écrivait dans le journal "L'Auto" de l'époque :
"Le Maillot de l'Auto à Christophe" :
"Un nouveau symbole, dont l'annonce est très discrète, va éclairer
l'épreuve et bien davantage, le Maillot Jaune. J'ai remis, ce matin, au vaillant
Christophe "Le Vieux Gaulois", un superbe maillot jaune. Vous savez
déjà que notre directeur a décidé que l'homme de tête du classement général
revêtirait un maillot aux couleurs de "l'Auto". La lutte va être
passionnante pour la possession du maillot ! Alavoine et surtout Lambot voudraient
bien le porter".
Lors de la 14ème étape, Eugène Christophe brise une deuxième fourche déjà
éprouvée par une chute à Nice. Celle-ci ne résiste pas à la torture des
468 km de pavés de l'étape Metz-Dunkerque. Le "Vieux Gaulois" qui
avait 28'05" d'avance sur Firmin au départ de cette 14ème étape, lui
concède 1h10" dans la réparation de sa machine et un peu plus avec une
chute. Firmin enlève la victoire à Dunkerque devançant son ami Léon Scieur
de 6'43". Firmin est le premier coureur belge à endosser le maillot jaune
tant convoité. Lors de la dernière étape, il parvient encore à creuser l'écart
sur Eugène Christophe. Firmin remporte la victoire finale devançant les Français
Jean ALAVOINE de 1h42'54" et Eugène Christophe de 2h26'31". Firmin,
robuste, dur à la peine, entrait par la même occasion dans l'Histoire de la
Grande Boucle. Il restera donc le premier coureur à avoir remporté le fameux
maillot jaune.
Dans les annales du Tour de France, l'édition de 1919 restera comme l'une des
plus terribles avec ses routes meurtrières : 10 coureurs rallient le Parc des
Princes à Paris. Mais, elle restera toutefois synonyme de renaissance avec
l'apparition d'un maillot de leader couleur soleil. Le symbole idéal au moment
idéal.
"Lambot en était digne" écrivait Henri Desgrange, à l'issue
de la dernière étape.
"Paris (27 juillet) – Le Tout-Paris sportif qui se pressait en l'immense
arène du Parc des Princes, a fêté, comme il convenait de le faire, nos dix
vaillants rescapés du Tour de France 1919. La grandiose randonnée de l'Auto,
véritable Championnat du Monde de la route, compte une magnifique édition
de plus. Et Firmin Lambot, le glorieux champion Belge, a triomphé et ajoute
ainsi son nom à l'immortel palmarès. C'est parfait ! Certes, il convient de
déplorer l'accident de machine qui, au cours de la 14ème étape, coûta la
première place du classement général à notre brave Christophe, mais, ce
faisant, il faut aussi reconnaître impartialement que le nom de Firmin Lambot,
après ce que ce brave garçon vient de faire dans le 13ème Tour de France,
ne dépare nullement la liste des vainqueurs précédents de la formidable épreuve.
Et le premier de nos gestes, en ce lendemain de triomphe phénoménal, de cette
inoubliable apothéose au Parc des Princes, regorgeant de sportsmen enthousiastes,
doit consister à nous découvrir devant le vainqueur et à saluer du fond du
cœur la petite mais sportive Belgique qui, depuis 1912, ne connaît dans notre
Tour de France que de retentissants succès. Celui-ci est assurément moins
pur que les précédents, et il est bien certain que tous les sportsmen, à
quelque pays qu'ils appartiennent, eussent préféré une victoire plus facile,
plus décisive ; il n'en est pas moins vrai que Firmin Lambot n'est pas écrasé
par l'énorme triomphe qu'il vient de remporter. Il en était digne ! Il a,
au cours de ce 13ème Tour de France, déployé des qualités vraiment extraordinaires.
Il a été vite quand il le fallut, endurant plus encore, grimpeur excellent,
et il a pour lui aussi cette 14ème étape qui fut fatale à Christophe, c'est
vrai, mais dans laquelle il se montra infiniment supérieur. Honneur donc, et
sans aucune restriction, à Firmin Lambot, vainqueur du Tour de France 1919
!. L'homme de Bayonne-Luchon et de la Boucle de Sospel en 1913 a été l'un
des meilleurs athlètes de ce Tour de France, si difficile, si pénible, demandant
tant de vaillance et d'énergie. Glorifions notre malheureux Christophe, plaignons-le,
faisons tout pour le consoler de sa malchance, c'est juste, mais ne touchons
pas à la victoire de Lambot, parfaitement régulière et que nul, réglementairement,
ne saurait lui contester.
Bravo Lambot ! Vous avez été, avec Christophe et Alavoine, le meilleur d'un
Tour de France qui rebuta les cinq sixièmes de son effectif au départ. Vous
êtes l'un des héros d'un Tour de France que d'aucuns trouvèrent rapidement,
avec ses routes mauvaises, ses rares ravitaillements, ses vieilles difficultés
accrues encore d'un manque pas trop évident de matériel et de pneumatiques,
au-dessus des forces humaines. Tous les sportsmen Français sont heureux de
saluer en vous le successeur des Garin, Cornet, Trousselier, Pottier, Petit-Breton,
Faber, Lapize, Garrigou, Defraye et Thys. Nous nous réjouissons, comme aussi
nous nous sommes réjouis de voir que, contrairement à ce que d'aucuns en pensaient,
la grande foule, la masse, s'est intéressée à notre grande randonnée comme
au temps ou des chants plus nombreux venaient nous démontrer que le Tour de
France n'était point encore le véritable Championnat du Monde de la route
qu'il est aujourd'hui.
Les applaudissements fusaient de toutes parts en l'immense arène du Parc. Des
hourras incessants s'élevaient dès qu'un "Tour de France", d'ailleurs
annoncé par la grande voix de la foule qui n'avait pu trouver place à Auteuil
et qui se pressait aux environs, apparaissait à l'entrée de la ligne droite
et, après la magistrale arrivée de Jean Alavoine, vainqueur dans cinq de nos
étapes, du petit Lucotti, de ce bouledogue de Bathélémy, du grand Scieur
et du fin Coomans, qui souleva une tempête de bravos, ce fut la réception
touchante faite au courageux petit Nempon, seul survivant de la catégorie B.
Puis, après celles de Lambot, de Van Daele, de Steux et de Duboc, l'inoubliable
arrivée de Christophe, le plus malchanceux coureur que la terre ait jamais
porté. Alors, l'enthousiasme ne connut plus de frein ! Ce fut du délire !
Ce fut fantastique ! On fêta Christophe à l'égal d'un dieu, et notre Vieux
Gaulois, pourtant si froid et si calme d'ordinaire, en sentit des larmes de
reconnaissance obscurcir ses paupières. Oui, ce fut un triomphe sans précédent
que cette fin du 13ème Tour De France, et un triomphe qui démontra péremptoirement
que les sportsmen avaient compris la performance étourdissante de chacun de
nos vaillants. L'Auto en remercie sincèrement tous les sportsmen. Il est fier
aujourd'hui de ceux qui ont acclamé les 10 rescapés de sa course et qu'il
sera toujours de ces braves qui ont permis au Tour de France 1919 de si magistralement
relier l'incertain présent au radieux passé. Maintenant, l'Auto ne doute plus
! Le Tour de France est resté le Tour de France, c'est à dire la plus formidable
et la plus passionnante épreuve qui soit ! Il n'a plus qu'à s'efforcer de
lui conserver tout son remarquable prestige, toute son immense popularité !".
Lors de cette saison de 1919, Firmin se classe à la 13ème place Paris-Bruxelles.
En 1920, Firmin est bien décidé de renouveler son exploit de l'année précédente
en inscrivant une deuxième fois son nom au palmarès du Tour de France. Les
organisateurs octroient le dossard 1 à Eugène Christophe alors que Firmin
Lambot avait enlevé l'édition précédente. Ce dossard ne lui portera pas
chance car Christophe abandonnera lors de la 7ème étape. Porteur du dossard
2, Firmin perd ses chances, dès le premier jour, par une série invraisemblable
de crevaisons. Il est à noter que lors de ses participations à la Grande Boucle,
le sage Firmin avait toujours sur lui 500 à 600 francs pour acheter un nouveau
vélo..."au cas où". Il enlève toutefois deux victoires d'étapes
: la 5ème étape Les Sables-d'Olonnes/Bayonne (482 km) et la 6ème Bayonne/Luchon
(326 km) après être passé en tête aux sommets de l'Aubisque, du Tourmalet,
de l'Aspin et de Peyressourde. A Luchon, il franchit la ligne en solitaire,
devançant son compatriote Philippe Thys de 2'31". Lors de la 7ème étape
Luchon-Perpignan (323 km), il se présente en tête aux sommets du Portet d'Aspet
et Puymorens. Il termine 4ème à Perpignan dans le même temps que le vainqueur,
son compatriote Jean Rossius. Le maillot jaune est porté par Philippe Thys.
Firmin occupe la 3ème place à 1h20' du leader. 4ème des neuvième et dixième
étapes, 2ème de la onzième étape entre Grenoble et Gex remportée par Léon
Scieur, après être passé en tête du somme du Galibier et d'Aravis, 3ème
de la douzième étape, 9ème de la treizième étape, 8ème de la quatorzième
et 9ème de la dernière étape, Firmin monte sur la troisième marche du podium
final à 1h39'35" du vainqueur, devancé par ses compatriotes Hector Heusghem,
deuxième et Philippe Thys, vainqueur final. Au cours de cette saison, Firmin
participe à la Doyenne où il se classe à la 5ème place et prend part à
Paris-Bruxelles qu'il termine en 8ème position.
En 1921, Firmin, inscrit dans la catégorie des coureurs de première classe,
porteur du dossard 4, est au rendez-vous à Paris, le 26 juin, pour participer
pour la 7ème fois à la Grande Boucle. Cette quinzième édition est marquée
par la suprématie de Léon Scieur qui remporte la 3ème étape Cherbourg-Brest
et qui s'empare de la tunique jaune. Il parvient à conserver le maillot jaune
jusqu'à Paris. Firmin remporte en solitaire la victoire d'étape à Nice, terme
de la 9ème étape (272 km). Il s'était classé 2ème des quatrième et huitième
étapes. A Paris, il termine à la 8ème place à 8h26'25" de son compatriote
et ami, Léon Scieur, jurant que l'année suivante il gagnerait le Tour.
Florennes devenait le seul village au Monde à avoir enfanté deux vainqueurs
du Tour de France.
C'est avec un moral gonflé à bloc que Firmin, décidé à remporter la victoire
finale, se présente au départ du Tour de France en 1922. Porteur du dossard
13 –est-ce déjà un présage- dans la catégorie des premières classes,
Firmin prend le départ à Paris avec 119 autres as de la route. Cette édition
connaît tellement de rebondissements qu'elle va épuiser 4 vainqueurs potentiels,
les Français Robert Jacquinot, Eugène Christophe et Jean Alavoine et le Belge
Hector Heusghem, avant de trouver in-extrémis son maître en la personne de
Firmin Lambot qui voit sa régularité et sa chance récompensées. Car de la
chance, Firmin en aura, le champion d'Alphonse Baugé, dont l'équipe Peugeot
fait joujou avec l'épreuve, gagnant douze étapes sur quinze et réussissant
le doublé final avec Firmin Lambot et Jean Alavoine. Oui, Firmin sera veinard
car bien que n'ayant pas remporté de victoire d'étape, le titulaire du dossard
13 dépossède du maillot jaune, son compatriote, le Ransartois Hector Heusghem
à l'issue de la... treizième étape. Remémorons-nous cette fameuse treizième
étape entre Strasbourg et Metz (300 km) : Lorsqu'il s'endort, fourbu mais heureux,
dans sa chambre d'hôtel à Strasbourg, au terme de la 12ème étape, Hector
Heusghem est persuadé qu'il va enfin ramener le maillot jaune à Ransart comme
Firmin Lambot et Léon Scieur l'avaient fait à Florennes. Que peut-il lui arriver
? Lui qui est maillot jaune depuis 24 heures. Mais qui, dans la journée entre
Strasbourg et Metz, ne peut éviter un chien errant, alors qu'il s'abrite dans
la roue d'Emile Masson père. Avec l'accord d'un des trois commissaires du Tour,
il enfourche le vélo d'un instituteur luxembourgeois qui s'en retournait chez
lui. Le Grand Ducal monte, avec le vélo inutilisable, dans la voiture du directeur
sportif d'Heusghem tandis qu'Hector file à la poursuite de ses adversaires.
Il les rejoint en vue du but et termine au sein du groupe de tête. L'étape
est remportée par l'Italien Fédérico Gay. L'affaire est dans le sac. A Ransart
et dans la région de Charleroi, c'est certain, on va fêter dignement l'événement.
Or, on ne va rien célébrer du tout au Pays Noir, mais bien à Florennes, où
pour la 3ème fois en 4 ans, le vainqueur de la Grande Boucle retournera quelques
jours plus tard en triomphateur. Car Hector Heusghem a été victime d'une sordide
machination à laquelle, il faut le mentionner, Firmin Lambot est étranger.
Sur l'insistance, plus que fort probable des accompagnateurs du français Jean
Alavoine, sur celle, sans doute, des représentants de la presse hexagonale,
ainsi que sur celle peut-être des organisateurs, deux autres commissaires,
contre l'avis de leur collègue qui a autorisé le Hennuyer à changer de vélo,
décident de pénaliser Hector Heusghem d'une heure (article 45 du règlement).
Les réparations apportées un peu trop hâtivement au vélo ne prouvent plus
que celui-ci était hors d'usage. Le grand Hector ne peut que pleurer ses illusions
perdues. Il finit à Paris à 44 minutes du vainqueur, Firmin Lambot. Il est
alors âgé de 36 ans et donc le coureur le plus âgé à avoir jamais remporté
le Tour de France.
Firmin a malgré tout mérité son succès bien qu'il n'ait pas remporté d'étape.
Une fois de plus, à l'image de ce qu'il a fait jusqu'alors, au cours des huit
Tours qu'il a disputé et terminé, Firmin a fait preuve de régularité exemplaire.
Sans fracas, sans coup d'éclat, l'As de Florennes a construit son succès,
avec sa persévérance, avec son courage, avec ses qualités physiques qui sont
immenses. En effet, Firmin d'une taille légèrement au-dessus de la moyenne,
1,72 mètres, bien posé sur sa machine, pédale dans un style économique qui
ne manque pas d'élégance. Il a un visage anguleux, avec une lueur de malice
discrète dans ses yeux noirs. Son égalité d'humeur fait le bonheur de son
soigneur, Panosetti, dans l'équipe Peugeot. Jamais une revendication, jamais
un mot plus haut que l'autre. Il faut reconnaître aussi son intelligence et
son expérience de la course au maillot jaune.
Firmin est pratique et prévoyant. Ainsi, a-t-il toujours sur lui, comme déjà
mentionné, quand il traverse la France en juillet, une grosse somme d'argent,
laquelle est susceptible de lui permettre d'acheter un nouveau vélo si d'aventure
le sein venait à être inutilisable. Ce qui n'arrive jamais ou presque, car
Firmin ne tombe pas. Très rarement en tout cas.
Il n'est pas, par exemple, à l'image de Jean Alavoine sur ce Tour 1922, victime
de plusieurs cabrioles, de 46 crevaisons et 15 sauts de chaîne ! Il ne brise
pas sa fourche pour la 3ème fois dans le Tour, lui, comme Eugène Christophe
le fait dans les Alpes. Enfin, Firmin sait aussi, quand il le faut se "faire
pêter le cœur" comme il le dit. Laissons Firmin nous livrer ses commentaires
sur sa deuxième victoire finale :
"Je suis content et je ne le suis pas ! Je suis content, parce que j'estime
qu'à 36 ans, bien peu de gens feraient ce que j'ai fait. Car, somme toute,
j'ai prouvé que les vieux étaient toujours là et, à cet égard, je suis
un gaillard dans le genre de ce brave Christophe que j'aime tant pour ses belles
qualités de courage et d'énergie. Mais je ne le suis pas parce que ma victoire
n'est pas complète. Je me suis dit et redit que je n'avais plus rien à faire
contre des Jacquinot, Bellenger et compagnie qui sont comme des petits enfants
et vifs comme des furets. Je n'ai pas pensé un instant qu'ils pouvaient abandonner
aux vieux une course qui demande une persévérance qu'ils n'ont pas encore.
Et c'est pour cette raison que je me suis tout d'abord contenté de suivre.
C'est seulement à partir de Perpignan que j'ai vu clair. Mais Alavoine était
terrible. Cependant, dans Briançon-Genève, avec un peu plus de chance, j'aurais
pu ravir au brave Jean sa première place. Je n'y étais pas du tout, je vous
assure. Il a fallu l'incident Heusghem pour me faire comprendre que, je pouvais
triompher uniquement avec mes jambes. Cela ne fait rien, j'aurais ma revanche,
je ne serais plus aussi naïf. J'avais décidé que c'était le dernier Tour
de France que je courais. Mais vous me reverrez en ligne en 1923 et même après.
Voyez-vous, quand on a tâté de votre grande épreuve, on ne peut plus l'abandonner".
Cette même année, il termine, avec Tiberghien, 3ème de Paris-Lyon.
En 1923, à Paris, on retrouve donc Firmin, dossard 1, au départ de la 17ème
édition du Tour de France, impatient de confirmer sa victoire de l'année précédente.
"J'étais persuadé que j'aurais dû gagner, une troisième fois, le
Tour de 1923. J'étais en grand forme", confiait-il à Emile Besson
qui évoqua ses souvenirs dans "Cent ans de Cyclisme".
"Mais, j'ai brisé une manivelle au cours de la 6ème étape Bayonne-Luchon,
à 15 km du départ, vers deux heures du matin et j'ai dû rejoindre Bayonne
en pédalant d'une jambe pour effectuer la réparation nécessaire, ce qui m'a
fait perdre trois heures. A l'arrivée, j'ai constaté que j'avais roulé pratiquement
aussi vite que le vainqueur, Jean Alavoine". Firmin abandonne, toutefois,
lors de l'étape suivante.
L'édition de 1923 est enlevée par le Français Henri Pélissier, mettant fin
aux victoires de nos compatriotes. La 18ème édition du Tour de France 1924
n'est pas plus heureuse que la précédente pour Firmin. Porteur du dossard
17, Firmin est contraint à l'abandon lors de la 8ème étape entre Perpignan
et Toulon. C'est ainsi que Firmin fait ses adieux à la Grande Boucle, après
10 participations, ne retrouvant plus son coup de pédale autoritaire. L'Italien
Ottavio Bottecchia enlève la victoire finale, après avoir porté le maillot
jaune de bout en bout de l'épreuve.
Firmin, qui avait quitté Florennes en 1909 pour Marcinelle, s'établit à Anvers
après avoir épousé en 1915, Maria Vander Anwera, une Anversoise. Il ouvre
une sellerie, revenant ainsi à son premier métier. A la fin de la deuxième
guerre mondiale, en 1944, lors des bombardements d'Anvers, la famille Lambot
est accueillie chez les Scieur et l'une des petites filles de Firmin Lambot
fréquente l'école communale de Florennes, elle y apprend à lire et à écrire.
On n'insistera jamais assez sur l'indéfectible amitié qui liait Firmin à
Léon Scieur. Après la 1ère guerre, la firme française "Peugeot"
pour laquelle courait Firmin, lui avait versé les arriérés de plusieurs années
d'inactivité forcée, "son salaire" disait-il, ce qui démontre que
ces As de la route étaient déjà traités comme des professionnels. Ce solide
ballon d'oxygène permit à Firmin de lancer, à Anvers, un magasin de cycles
qui devint rapidement florissant. Il fonda sa propre fabrique de cycles "Firmin
Lambot". Ces vélos étaient très appréciés à Anvers. Sa petite fille
se souvient que toute la famille utilisait ces bicyclettes pour effectuer de
longues promenades à la campagne. On l'appelle dans son entourage "Le
Wallon Anversois" tandis que les Florennois le connaissent sous le nom
de "Firmin Déjo". Quant à Léon Scieur, il était connu sous le
nom de "Léon Papau". Au début des années cinquante, à plus de
60 ans, Firmin a tenu à "refaire" à deux reprises le Tour de France,
en tandem avec son épouse Maria. Il meurt le 19 janvier 1964 à Borgerhout,
quartier d'Anvers. En septembre 1988, le premier mémorial Firmin Lambot –Léon
Scieur est organisé pour commémorer le centenaire de la naissance des ses
deux champions, grâce à la collaboration étroite entre les autorités communales
de Florennes, le club cycliste présidé par Auguste Van Boven et l'association
des commerçants.
Laissons le dernier mot à Jacques François, historien local :
"Deux enfants de Florennes, Vainqueurs du Tour de France"
"Ce n'est pas sans un brin de fierté que tout Florennois, digne de
ce nom, aime rappeler à l'occasion, les exploits réalisés par deux enfants
de la Cité des "Bergeots" déjà riche cependant en gloires passées.
Il s'agit bien évidemment, vous l'aurez deviné, de Firmin Lambot et de Léon
Scieur.
Jadis, sur le trajet qu'empruntait le Tour, parmi leurs encouragements qui fusaient
de toutes parts, il n'était pas rare d'entendre crier en wallon : "Allè
Déjo ! Allè Papau !" Alors, reconnaissant les leurs, ceux-ci n'hésitaient
pas à descendre de bécane pour s'accorder quelque répit, serrer des mains
et s'informer des nouvelles du pays. L'administration communale de Florennes
a voulu réunir dans un même hommage ces deux figures héroïques de la localité.
A cet effet, le 18 septembre 1988, au cours d'une journée mémorable, diverses
manifestations ont eu lieu, séance académique, pose de plaques commémoratives
sur les façades des maisons où ils étaient nés ou avaient vécu, inauguration
d'une allée Firmin Lambot et Léon Scieur, donnant accès au Centre Culturel
et Sportif Dr Paul Rolin et visite de recueillement, au cimetière, sur la tombe
de Léon Scieur, tout cela en présence des membres des familles et de très
nombreux sympathisants".
Chapeau bas Monsieur Firmin Lambot pour vos performances réalisées sur les
routes de l'Hexagone et notamment vos deux victoires sur la Grande Boucle.
Michel Noël avec l'aide des archives de Jony Van Boven de Florennes 1908 1er à Velaine-sur-Sambre 1er à Mazy 1er à Genappe 1er à Fosses 1er
à Andenne 2ème du Championnat des Flandres 2ème
de Charleroi-Beaumont-Charleroi
1909 4ème
du Championnat de Belgique
1910 9ème du
Tour de Belgique
1911
8ème du Championnat
de Belgique 11ème du Tour de France - 6ème de
la 4ème étape - 6ème de la 9ème étape - 7ème de
la 10ème étape - 7ème de la 14ème étape - 10ème
de la 5ème étape 23ème de Paris-Brest-Paris
1912 5ème
du Championnat de Belgique 8ème du Tour de Belgique -
4ème de la 7ème étape - 8ème de la 2ème étape -
10ème de la 3ème étape 18ème
du Tour de France - 3ème de la 7ème étape - 9ème
de la 2ème étape - 9ème de la 4ème étape - 10ème
de la 5ème étape 19ème de Paris-Tours
1913 4ème
du Tour de France - 1er de la 9ème étape - 3ème
de la 12ème étape - 4ème de la 5ème étape - 4ème de la 6ème étape - 5ème
de la 10ème étape - 7ème de la 11ème étape - 7ème
de la 15ème étape - 9ème de la 4ème étape - 9ème
de la 7ème étape - 9ème de la 14ème étape - 10ème
de la 13ème étape 20ème de Paris-Roubaix
1914 8ème
du Tour de France - 1er de la 6ème étape - 3ème
de la 10ème étape - 7ème de la 12ème étape - 10ème
de la 11ème étape 13ème de Paris-Menin
1919 Vainqueur du Tour
de France - 1er de la 14ème étape - 2ème de la
6ème étape - 3ème de la 7ème étape - 3ème de la
10ème étape - 4ème de la 8ème étape - 4ème de
la 12ème étape - 6ème de la 9ème étape - 6ème
de la 11ème étape - 6ème de la 13ème étape - 7ème
de la 4ème étape - 7ème de la 15ème étape - 8ème
de la 2ème étape - 10ème de la 1ère étape - 10ème
de la 5ème étape 13ème de Paris-Bruxelles
1920 3ème
du Tour de France - 1er de la 5ème étape - 1er
de la 6ème étape - 2ème de la 11ème étape - 3ème
de la 12ème étape - 4ème de la 7ème étape - 4ème
de la 9ème étape - 4ème de la 10ème étape - 6ème
de la 8ème étape - 8ème de la 14ème étape - 9ème
de la 13ème étape - 9ème de la 15ème étape 5ème de Liège-Bastogne-Liège 8ème
de Paris-Bruxelles
1921 9ème du Tour de
France - 1er de la 9ème étape - 2ème de la 4ème
étape - 2ème de la 8ème étape - 6ème de la 5ème
étape - 6ème de la 6ème étape - 7ème de la 7ème
étape 19ème de Liège-Bastogne-Liège Abandon
à Paris-Brest-Paris
1922 Vainqueur
du Tour de France - 3ème
de la 6ème étape - 3ème de la 7ème étape - 4ème
de la 9ème étape - 5ème de la 5ème étape - 5ème
de la 11ème étape - 6ème de la 8ème étape - 6ème
de la 14ème étape - 7ème de la 4ème étape - 7ème
de la 10ème étape - 10ème de la 3ème étape 3ème
de Paris-Lyon (G.P Sporting) avec Hector Tiberghien 3ème du Giro della
Provincia Milano avec Léon Scieur - 2ème de l'australienne -
4ème de l'épreuve sur route - 4ème du tour de piste Abandon
au G.P Wolber
1923 Abandon au G.P Wolber Abandon
au Tour de France (7ème étape) - 7ème de la 4ème
étape - 8ème de la 2ème étape
1924 Non-partant au G.P
Wolber Abandon au Tour
de France (8ème étape)
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