Robert WANCOUR
né le 11 décembre 1884 à Wervicq
décédé le 26 novembre 1976 à Ligny
Robert Hector Wancour est né le 11 décembre 1884 à Wervicq à un jet de
pierre de la frontière française. Tout comme son contemporain, Cyrille Van
Hauwaert, Robert est un enfant de la terre, fils de fermier. Ses parents exploitent
à Wervicq une petite ferme où l'on cultive le tabac et la chicorée. A l'âge
de 19 ans, Robert possède déjà une stature d'athlète, il mesure 1,85 m.
Il gagne un vieux vélo, premier prix d'un concours de "Jeu de flèches".
C'est ainsi qu'il se met à rouler et qu'il prend goût au sport cycliste. Il
demande donc à son père d'acheter un vélo de course mais celui-ci refuse
et lui offre une solide routière équipée de pneus. Ce n'est évidemment pas
l'engin idéal pour disputer les premières courses de village. Toutefois, Robert
est vite repéré par un petit constructeur de Gheluwe, Albert Lamotte, qui
a couraillé sans succès quelques années plus tôt. Ce dernier fit cadeau
à Robert d'une bicyclette de compétition pour assurer sa réclame.
Robert prend plaisir se fait un point d'honneur de battre, de temps en temps
au sprint, dans les "kermesses" ainsi que dans l'une ou l'autre épreuve
de ville-à-ville comme Gand-Bruxelles et retour ou Ostende-Wenduyne, son nouvel
ami Cyrille Van Hauwaert qui accomplit aussi, à quelques kilomètres de Wervicq,
ses débuts dans le sprint cycliste. A cette époque, un coureur comptabilisait
des points en fonction de ses résultats. Robert, bon sprinter, a vu son quota
de points augmenter très vite. C'est ainsi que dans les kermesses, désireux
d'offrir à leur public un maximum de spectacle, les organisateurs obligent
de plus en plus souvent Robert et Cyrille Van Hauwaert, qui remportent les meilleurs
prix, à disputer des courses avec un handicap (par exemple 100 mètres de retard).
Ils partent donc les derniers. Les premiers prix leur échappent. Ca ne fait
pas leur affaire. Robert décide de tâter des courses en Wallonie et de s'installer
à Keumiée chez le châtelain Cornil, constructeur des automobiles "Eclipse"
et grand amateur de vélo. Frontalier, Robert parle français avec l'accent
du Nord.
Il fait la connaissance d'une jeune fille, Thérèse Somville, qui deviendra
son épouse. Ils auront deux enfants : une fille, Yvonne née en 1911, restée
célibataire et décédée en 1993 et un fils nommé aussi Robert, né en 1919,
qui s'était établi à Fleurus et tenait un magasin d'électroménager. Il
est décédé en 1992. Sa belle-fille, Christiane Hanotiaux habite toujours
Fleurus.
Lorsque Robert participe aux épreuves en Wallonie, il n'a pas d'adversaire
à sa mesure. Il est grand, bien découplé, c'est le champion incontesté du
sport qui monte. Il devient le roi de la province de Namur. Il est sur le point
de verser dans la facilité, se spécialisant dans les courses de village et
sur piste. En 1906, Robert prend part au Tour de France. Il porte le dossard
80. Lors de la première étape Paris-Lille (275 km) remportée par le Français,
Emile Georget en 10h09'16", Robert termine à la 25ème place avec un retard
de 2h18'15". Il décide de ne pas prendre le départ de la deuxième étape
Douai-Nancy (400 km). De nombreux concurrents imitent Robert et ne prennent
pas le départ, d'autres abandonnent lors de cette étape. C'est la seule participation
de Robert à la Grande Boucle.
En 1907, Robert prend part notamment à Bordeaux-Paris. Il retrouve son ami
Cyrille Van Hauwaert qui est un des chefs de file de son équipe. Robert choisit
la sécurité et, pour une prime substantielle, il entraîne dans cette classique
son ami Cyrille vers les sommets. Le Français Gustave Garrigou lui, se classera
3ème. Il participe aussi à Paris-Bruxelles. Mais, laissons Théo Mathy nous
narrer le déroulement de la course :
"Le 9 juin 1907, à 1h00 du matin, 77 concurrents sont au départ du
troisième Paris-Bruxelles, donné à Villers-sur-Marne. Le temps est beau et
le début de la course est assez monotone. A Reims, vers 7h00, avant la mi-parcours,
ils ne sont cependant plus qu'une trentaine en peloton. L'allure est loin d'être
sévère. Le retard sur l'horaire prévu atteint les 30 minutes.
Mais cela va brusquement plus vite, à la sortie de la ville, au moment où
Cyrille Van Hauwaert est victime d'une crevaison. Il ne reviendra pas. Certains
affirment que tout le monde s'est ligué contre un adversaire particulièrement
redoutable. Et déjà des médisants prétendent qu'il aurait trop bien fêté
son succès de Bordeaux-Paris. Le peloton, cette fois, s'est scindé en trois
groupes. On compte 13 coureurs dans le premier. Et dans le troisième, Roméo
(pseudonyme de Prosper Verschelden), 6ème l'an passé de Paris-Bruxelles en
deux étapes et 4ème de l'épreuve sur route des Jeux Olympiques à Athènes,
ferme la marche en compagnie de Joseph Dewaide.
Au contrôle de Rethel, il se confirme que le peloton principal est complètement
démantibulé. Les dépêches annoncent au passage à Rocroi, à 150 km de Bruxelles,
que 5 hommes sont ensemble. Il s'agit des Français Garrigou, Crupelandt, Cornet,
Landrieux et d'un Belge, Wancour. Ils sont pointés avec 2 minutes d'avance
sur Van Hauwaert, qui se bat bien, et 5 minutes sur le géant de Colombes, le
Luxembourgeois François Faber. A Namur, aux environs de midi, le Belge Wancour
est toujours avec les premiers, Garrigou, Crupelandt et Cornet. Landrieux a
disparu. Au contrôle fixe, situé place de la Gare, son constructeur François
Sergeant offre une bouteille de champagne à Wancour. Le retard de Van Hauwaert
atteint les 6 minutes.
La finale de la course promet d'être passionnante. Elle l'est, sans doute,
mais elle n'a aucun témoin direct. Il n'y a pas de suiveurs, si ce n'est l'un
ou l'autre cycliste qui tente de suivre les acteurs durant quelques kilomètres.
Tiens ! Il y a précisément un blanc-bec de 18 ans à peine qui s'époumone
sur sa bécane depuis Hastière, à encourager Wancour. Il l'accompagne jusqu'à
la sortie de St-Servais. C'est un coureur débutant dont on reparlera. Il s'appelle
Victor Linart de Floreffe. Robert Wancour décramponne ses deux derniers compagnons.
Il file vers Gembloux. Il signe le premier au contrôle de Wavre où il remporte
une prime spéciale. Il a une minute et demie d'avance à Overijse, il n'y a
pratiquement plus de difficulté à affronter. C'est étonnant, sensationnel.
Quinze jours après Van Hauwaert dans Bordeaux-Paris, un Belge va-t-il battre
les champions français dans Paris-Bruxelles ? Bernique !
Au moment où il voit les premiers arbres de la forêt de Soignes et où il
se sent pousser des ailes sous les acclamations de ses compatriotes, rêvant
de la victoire et de sa fiancée, Thérèse Somville qui l'attend à Ligny,
il a promis de lui apporter la gerbe du vainqueur, son boyau éclate. Et pendant
que Wancour répare, Garrigou et Crupelandt le redépassent... Au vélodrome
de la Cambre, envahi par la foule qui a renversé les palissades et bousculé
le service d'ordre, preuve s'il s'en faut que les courses sur route ont encore
tout l'avenir devant elles, Robert termine à un peu plus de deux minutes du
vainqueur Gustave Garrigou. Celui-ci a distancé in extremis Charles Crupelandt,
renversé par une voiture à Woluwé. Sur la piste de la Cambre, avant de signer
la feuille d'arrivée, les concurrents doivent accomplir deux longs tours, c'est-à-dire
un kilomètre. Les milliers de spectateurs ont tout le temps d'applaudir les
rescapés de la course, ils mesurent aussi leur fatigue.
Tout noir, sous un masque de poussière et de transpiration, le petit Garrigou,
courbé sur son vélo, franchit la ligne d'arrivée. On l'appelle à la tribune
où Emile De Mot le félicite en compagnie du directeur du vélodrome, Ernest
Van Hammee, champion de Belgique amateur de sprint il y a deux ans sous le nom
de Fernandez. Quant on lui passe une écharpe tricolore autour du cou, Garrigou
semble revigoré et il retrouve son sourire pour saluer la foule, tandis que
la fanfare des Carabiniers joue "La Marseillaise". Une "Marseillaise"
qu'il écoutera encore plus d'une fois cette année, puisque Garrigou va gagner
le championnat de France dans quelques semaines et le Tour de Lombardie à la
fin de la saison.
Le 2ème de Paris-Bruxelles, Charles Crupelandt souffre le martyre en bouclant
deux tours de piste. Il a une blessure au genou droit et une profonde entaille
à la partie postérieure de la cuisse gauche. Quand Wancour débouche dans
l'enceinte à 15h50, le public l'acclame comme un seul homme. Il semble être
dans une forme superbe et quel bel athlète ! Un journaliste va même écrire
qu'on dirait à le voir pédaler, qu'il est prêt à recommencer. Wancour est
relativement frais, soit, mais tout de même. Vous connaissez les journalistes...
Les plus chaudes ovations sont néanmoins réservées à Cyrille Van Hauwaert
qui arrive 4ème à 15h55, c'est-à-dire à 7 minutes du premier.
Il faut dire que les sportifs bruxellois n'avaient pas encore eu la joie de
le féliciter le Flandrien depuis son triomphe dans Bordeaux-Paris. Et lui aussi,
il paraît encore plein de réserves. A se demander ce qui se serait produit
si les deux Belges n'avaient pas crevé au plus mauvais moment. Robert Wancour,
vous l'avez deviné, est l'X mystérieux de la course dont le journal "Tous
les Sports" nous entretenait à la veille du départ. Il est déçu, profondément
déçu. Le soir même, à Ligny, où l'attend sa fiancée, à Ligny où Napoléon
a remporté sa dernière victoire, il raconte pourquoi il n'a pas enlevé son
premier grand succès. Il a 22 ans, une année de moins que Cyrille Van Hauwaert.
Une crevaison entre Overijse et Notre-Dame-au-Bois a peut être brisé sa carrière.
S'il avait gagné le 9 juin 1907 au vélodrome de la Cambre, que se serait-il
passé ? Il aurait vraisemblablement reçu un contrat intéressant d'une firme
française. Il aurait eu sa chance, il aurait peut être été soutenu dans
d'autres courses".
Au championnat de Belgique qui a lieu pratiquement chez lui à Keumiée, Robert
casse sa chaîne et termine troisième, derrière Verstraeten et Camille Haeck.
Il va encore démontrer en d'autres circonstances sa valeur et sa classe. Au
cours de la saison de 1907, Robert remporte 31 victoires. Deux dans des courses
sur route de 100 kilomètres à Mons et à Ligny. Les autres victoires, Robert
les décroche dans des "kermesses" courues en plusieurs manches ou
sur piste : à Verviers, Wervicq, à Monceau-sur-Sambre, Moustier, Engis, Saint-Servais,
Lonzée, Bothey, Ligny, Fleurus, Auvelais, Namur, Sombreffe, Saint-Amand, Court-st-Etienne,
Keumiée, Châtelineau, Bomel, à nouveau Lonzée et Verviers, Marcinelle, Montignies-sur-Sambre.
Robert accomplit à sa manière une sorte de tour de Wallonie pédalante.
En 1908, Robert obtient une nouvelle chance. Il est sollicité par la maison
"PEUGEOT" pour disputer le premier Tour de Belgique réservé aux
coureurs professionnels. Lucien Petit-Breton et Gustave Garrigou, vainqueur
et deuxième du Tour de France 1907, sont ses équipiers. Lors de l'arrivée
de la 2ème étape Anvers-Ostende du Tour de Belgique, Garrigou gagne au sprint
et il bat d'une demi-longueur Robert, qui lui, précède son capitaine Lucien
Petit-Breton, vainqueur de la 1ère étape et leader de la course. Lors de cette
arrivée, le frère de Robert est présent. Il avait parié que Robert battrait
Petit-Breton. Il crie à Robert de sprinter. Et celui-ci se laisse emporter
et précède Petit-Breton sur la ligne. Ce dernier coup de rein victorieux est
considéré comme un crime de lèse-majesté. Au classement général établi
par addition de points, comme au Tour de France de l'époque, son capitaine,
Lucien Petit-Breton perdant une place, a donc gaspillé un point précieux.
Le directeur sportif de "PEUGEOT" est en colère. Il abandonne Robert
à son sort. Notre compatriote est condamné à achever le Tour de Belgique
sans soigneur, sans mécanicien, sans aide matérielle : il doit se débrouiller
après l'arrivée à l'hôtel. Il n'empêche qu'à l'arrivée de l'étape à
Namur, il fait partie du groupe de tête et il espère gagner au sprint. Mais
hélas ! Robert est victime d'une crevaison sur la piste d'arrivée. Il termine
à la 6ème place. C'est Petit-Breton qui s'impose devant Plateau et Masselis
qui enlèvera quelques jours plus tard la victoire finale au Karreveld. Robert
doit se contenter de la 5ème place. Robert gagne les deux premières éditions
du Championnat des Flandres, à Koolskamp, type même de la course de kermesse,
mais une kermesse difficile entre toutes puisqu'elle réunit pratiquement tous
les meilleurs coureurs flandriens.
En 1908, Robert avec l'aide de son copain Guildo Devogelaere, se paie le luxe,
sur 100 km et en dix tours, non seulement de remporter la victoire au sprint
devant Firmin Lambot, le Florennois, mais encore de rafler les dix primes accordées
à chaque passage ! Toujours en 1908, Robert est sélectionné comme entraîneur
(à vélo) pour la course Bordeaux-Paris. A l'époque, quatre entraîneurs se
relayaient pour entraîner dans leur sillage les coureurs participants. Une
fois arrivé à Paris, Robert remonte immédiatement sur son vélo et effectue
le trajet Paris-Ligny.
En 1909, Robert remporte la 2ème édition du Championnat des Flandres, il prend
le meilleur dans l'ordre sur Odile Defraye et Marcel Buysse. Il se classe 15ème
de Sedan-Bruxelles. En 1911, Robert remporte encore 11 victoires à Gosselies,
Verviers, Charleroi, Gand, Gosselies (vitesse), Mons-Crotteux, Hannut, Furnes,
Gosselies (80 km), Gosselies (match poursuite), Deux Acren.
De sa carrière sportive, on retiendra que Robert avait les qualités d'un grand
coureur.
Hélas, on ne saura jamais ce dont Robert, rude et valeureux, aurait été capable
s'il avait eu l'ambition et l'audace de son ami Cyrille Van Hauwaert. Sa carrière
sportive terminée, il participe encore à quelques critériums d'anciennes
gloires, notamment en 1943 à Charleroi. Robert est au départ du Grand Prix
des Cycles Léon Louyet. Il se consacre à la vente de cycles et s'occupe de
jeunes coureurs. Il fondera le Grand Prix Wancour à Ligny. Cette course était
réservée aux indépendants. Il meurt en 1976 à Ligny à l'âge de 92 ans.
"Vers l'Avenir" des samedi 27 et dimanche 28 novembre 1976 relatait
: "Décès de l'ancien coureur Robert Wancour : Le dernier coureur de
la génération de Cyrille Van Hauwaert, Robert Wancour, est décédé vendredi
à Ligny. Il était né à Wervicq en 1884 et avait remporté deux années de
suite le Championnat des Flandres, en 1908 devant Firmin Lambot et en 1909 devant
Odile Defraye. En 1907, il s'était classé 3ème de Paris-Bruxelles derrière
Garrigou et Crupelandt".
Michel Noël avec l'aide de Théo Mathy et des Archives de René Mathy.
1906
Abandon au Tour de France (non-partant 2ème étape)
1907
31 victoires dont : 1er à Mons 1er à Ligny 1er à Verviers 1er à
Wervicq 1er à Monceau-sur-Sambre 1er à Moustier 1er
à Engis 1er à Saint-Servais 1er à Lonzée 1er
à Bothey 1er à Fleurus 1er à Auvelais 1er à
Namur 1er Sombreffe 1er Saint-Amand 1er à Court-St
Etienne 1er à Keumiée 1er à Châtelineau 1er
à Bomel 1er à nouveau à Lonzée 1er à Marcinelle 1er
à Montignies-sur-Sambre 3ème de Paris-Bruxelles
3ème du Championnat de Belgique
Abandon à Bordeaux-Paris
Forfait au départ du Tour de France
1908
1er du Championnat des Flandres à Koolskamp
1er à Bierwart
5ème du Tour de Belgique - 2ème de la 2ème étape - 6ème de la 4ème étape
1909
1er du Championnat des Flandres à Koolskamp 15ème de Sedan-Bruxelles
1910
1er à La Louvière
1911 1er à Gosselies 1er à Verviers 1er à Charleroi 1er à Gand 1er à
Gosselies (vitesse) 1er à Mons-Crotteux 1er à
Hannut 1er à Furnes 1er à Gosselies (80 km) 1er
à Gosselies (match poursuite) 1er à Deux Acren
2ème de Liège-Charleroi
4ème du Championnat de Belgique
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