NANTES-PARIS / Ville d'Avray, 471 km
NANTES - ANCENIS (km 38) - ANGERS (km 89) - SAUMUR - TOURS (km 203) - AMBOISE - BLOIS (km 258) - MEUNG - ORLÉANS (km 316) - CHARTRES (km 387) - RAMBOUILLET (km 423) - VERSAILLES - PARIS/Ville d'Avray
Enfin, voici la dernière étape, Nantes-Paris, comprenant un trajet de 471 kilomètres. Deux courses nocturnes, séparées par un court délai, constituaient une expérience décisive qui allait démontrer quels étaient réellement les meilleurs.
La dernière étape devait à l'origine se courir avec entraîneurs. On avait prévu le cas, qui s'était présenté dans la course Bordeaux-Paris (amateurs), où plusieurs coureurs ne pourraient se lâcher, et l'on craignait que le résultat ne pût être faussé à l'arrivée.
La longueur des étapes empêcha cette fois le même fait de se produire, et le succès des premières amena les organisateurs à supprimer les entraîneurs dans la dernière.
Millocheau passe à Blois.
Cette décision fut excellente, car elle laissait à la course son caractère d'homogénéité, qui eût été troublé par un changement de méthode; enfin, elle égalisait les chances des coureurs jusqu'à la fin en évitant que des concurrents, ayant acquis de bonnes places par leur énergie et leur ténacité personnelles, ne perdissent tout le fruit de leurs efforts précédents dans la dernière étape par suite d'un service d'entraîneurs insuffisant, comme cela fût arrivé fatalement pour des coureurs nouveaux jusqu'alors inconnus, ou pour ceux qui n'auraient pas eu le concours financier des maisons dont ils montraient les machines.
Le Tour de France s'est terminé par la victoire de Maurice Garin. Ce résultat était d'ailleurs assez généralement prévu, et avant la course les pronostics presque unanimes étaient en sa faveur, en raison des performances passées du grand coureur, qui avait maintes fois manifesté des qualités d'endurance le mettant hors de pair, notamment dans la dernière course Paris-Brest et retour, où il couvrit les 1.200 kilomètres dans le temps magnifique de 52 h. 11 m.
Il semblait donc que depuis la disparition de Huret, Lesna et Rivierre, qui, à mon avis, lui étaient supérieurs, et que je place selon l'ordre de mes préférences, Maurice Garin dût devenir le champion attitréà des épreuves de très longue distance.J'avais moi-même suivi cette impression en pronostiquant sa victoire, me basant non pas seulement sur sa valeur intrinsèque, mais surtout sur sa grande expérience, sur sa puissance incomparable de résistance aux intempéries, sur la science de judicieuse répartition de ses forces, qu'il a puisée au cours de multiples batailles de longue haleine (car dans de pareilles circonstances il est aussi urgent de savoir se ménager que de pouvoir s'employer), enfin sur les soins particuliers que lui assurait en cours de route sa positic de grand favori.
Tous ces facteurs sont les éléments solidaires qui assurent le succès, et nul autant que Maurice Garin ne les réunissait à un égal degré.
Il est pourtant très probable que, sans le ma heureux incident qui le mit hors de course dès la première étape, Aucouturier fût sorti vainqueur de l'épreuve.
En effet, après avoir été, le premier jour, victime d'un commencement d'empoisonnement, le vaillant coureur enlevait brillamment la deuxième et la troisième étape, battant les temps de Garin de 26 et de 33 minutes, et allait encore enlever la quatrième sans la chute malencontreuse qui le força à abandonner, lorsqu'il dominait manifestement tous ses adversaire Ses preuves de vitesse étaient déjà faites, il vient de démontrer ses qualités de résistance indéfinie. Il sera donc sûrement le favori des grand épreuves futures.
Maurice Garin, débarrassé de son plus dangereux adversaire, ne pouvait plus, à moins d'accident, être battu.
Après lui, quelques coureurs ont honorablement figuré. Pothier, arrivé second, a fait, vu son jeune âge, une course magnifique. Augereau, le troisième, a été une vraie révélation; ce sont deux coureurs d'avenir. Muller, Jean Fischer, Kerff, Pasquier, Beaugendre, ont corroboré les qualités qu'on leur connaissait déjà. Georget, si menaçant après la deuxième étape, et qui était resté second jusqu'à Bordeaux, eût pu aspirer à l'honneur de battre Garin, s'il n'avait été victime d'accidents et d'une mauvaise hygiène et forcé de lâcher au cours de la cinquième étape. Samson, Catteau, Dargassies, inconnus jusqu'alors, ont fait d'excellents débuts. Enfin vingt et un coureurs ont terminé le gigantesque parcours, ce qui est un beau résultat d'ensemble.
En un mot, c'est encore une fois le meilleur homme qui a triomphé. Garin, d'un bout à l'autre de cette formidable course dont le parcours ne mesurait pas moins de 2.400 kilomètres nous a étonné par sa résistance et son énergie mises à chaque instant à toute épreuve. Aussi sa victoire a-t-elle été accueillie avec la plus vive satisfaction. Une chaleureuse ovation lui est faite au contrôle d'arrivée à Ville-d'Avray, des fleurs lui sont offertes au Parc des Princes, tandis que les milliers de spectateurs qui se pressaient autour des balustrades, applaudissaient de toute leur force ce roi incontesté de la route.
Garin gagnera 6000 francs, Aucouturier 1800, Augereau 1575, Pothier 2450, Georget 900, Pagie 700, Muller 1200, Samson 750... Josef Fischer 25 francs !
Contrôle arrivée à Ville-d'Avray, terminus de l'épreuve devant 5000 personnes.
Samson, 6ème au classement général.
Photos et commentaires : "la vie au grand air", éditions juillet 1903.
1. Maurice Garin en 18h09'00" (moy : 25.950 km/h)
2. Fernand Augereau (Fra) à 10"
3. Julien Lootens "Samson" (Bel)
4. Jean Fischer (Fra) à 1'20"
5. Lucien Pothier (Fra) à 1'30"
6. Rodolfo Muller (Ita) à 2'00"
7. Alexandre Foureaux (Fra) à 2'30"
8. Julien Girbe (Fra) à 2'35"
9. François Beaugendre (Fra) à 21'
10. Marcel Kerff (Bel) à 53'
11. René Salais (Fra) à 1h15'30"
12. Jean Dargassies (Fra) à 1h21'20"
13. Josef Fischer (All) à 1h36'25"
14. Gustave Pasquier (Fra) à 1h51'15"
15. Alois Catteau (Bel) à 2h07'35"
16. Ferdinand Payan (Fra) à 2h34'26"
17. Isidore Lechartier (Fra) à 5h09'20"
18. François Moulin (Fra) à 6h35'50"
19. Georges Borot (Fra) à 10h46'15"
20. Arsène Millochau (Fra) m.t. 21. Pierre Desvages (Fra) à 16h23'30"
Tour de France 1903
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