Le Tour de France est devenu l’épreuve légendaire du cyclisme, celle qui raconterait l’histoire de ce sport… Avec le temps (puisque c’est désormais une épreuve plus que centenaire) certaines éditions ont acquis un statut particulier alors que d’autres semblent totalement oubliées. Et, dans nos souvenirs, les champions qui ont fait cette histoire restent à jamais affublés d’un maillot mythique qui oblitère toutes les autres tenues qu’ils ont porté sur cette épreuve : Fausto Coppi et son maillot d’Italie en 1952, Louison Bobet et son maillot de champion du monde en 55, Jacques Anquetil et Raymond Poulidor dans le Puy de Dôme, Eddy Merckx ou Bernard Thévenet, Miguel Indurain et son Banesto ou Richard Virenque et son maillot à pois…
Mais, par-delà ces casaques légendaires l’histoire du Tour est faite d’une panoplie infinie de tenues multicolores qui illustrent les évolutions et les mutations historiques, économiques et culturelles de notre société.
Suivre pas à pas la galerie des dizaines de maillots portés tout au long de cette centaine d’éditions de la Grande Boucle nous fait voyager dans le temps et retrouver les émotions de notre existence.
On peut raconter cette histoire en déterminant plusieurs mutations successives qui définissent autant d’époques :
- Les origines (1903/1914) :
- L’emprise des constructeurs de cycles (1919/1929) :
- Les équipes nationales (1930/1961) :
- Le règne du sponsoring extra-sportif (1962/1990) :
- La course aux armements (1991/2015) :
Au début les participants au Tour de France portent des tenues personnelles relativement aléatoires… Il parait difficile d’imaginer qu’ils ne possèdent qu’un seul tricot pour toute la durée de l’épreuve (qu’il lave le soir en arrivant à l’hôtel et font sécher durant la nuit ?) et je doute qu’ils trouvent un intérêt primordial à porter une tenue identifiable !
Mais, après les coupes et les couleurs aléatoires des toutes premières éditions, apparaissent rapidement certaines tenues personnalisées reprenant le principe des casaques des jockeys des courses hippiques qu’avait adopté le milieu des courses cyclistes sur piste.
C’est ce modèle qui va amener la personnalisation des tenues des coureurs. Le principe de « l’écurie de course » qui va se superposer aux tenues personnalisées. On voit ainsi apparaître des tenues rouges pour les coureurs des cycles « La Française » (qu’ils agrémentent d’une veste et d’une casquette blanche pour les remises de prix), l’inscription Peugeot ou le lion sur les tenues des coureurs des cycles Peugeot, les coureurs de l’U.C. Levallois portent des tenues noires et blanches tandis que ceux de l’Union des Cyclistes de Paris arborent des maillots bleu clair avec un scapulaire rouge… Apparaissent aussi, dès 1906 en Italie la tenue « tricolore » reprenant les couleurs du drapeau national pour les coureurs sacrés « Champion National ». Ce sont ces types de maillots qui vont prévaloir jusqu’à la guerre de 1914.
A la reprise, en 1919, se situe l’épisode « La Sportive ». Face au manque cruel de matériel (les industries du cycle et de l'automobile, reconverties en industries de guerre pour la fabrication d'armes ne sont pas encore retournées à leurs productions d'origine) les équipes Peugeot et Alcyon se sont fondues pour créer le Consortium « La Sportive », qui équipe près de la moitié des participants et Alphonse Baugé qui dirige l’équipe décide d’attribuer à chacun de ses coureurs un maillot particulier permettant de le reconnaître plus facilement suivant des déclinaisons de couleurs très codifiés qui vont perdurer durant 3 années…
C’est en 1925 que, pour la première fois, les meilleurs coureurs sont regroupés par « équipe » dans la liste des engagés (jusqu’à présent il y avait des coureurs de 1ère et de 2ième classe mais sans notion d’équipe). Les autres participants sont listés comme « touristes-routiers », une catégorie très peu prise en compte par Henri Desgranges mais au sein de laquelle on retrouve des tenues personnalisées aux couleurs des marques de cycles !
En 1928 apparaissent des équipes régionales de 5 coureurs au sein des « touristes-routiers »…
En 1930 s’ouvre l’ère des équipes nationales créées par Desgranges pour couper court à l’hégémonie des grands constructeurs de cycles qui cherchaient, suivant le créateur du Tour, à imposer leur loi sur le déroulement et le classement de la course au détriment de « la vérité sportive ».
Désormais il y a trois types de maillots sur le Tour de France ( ?!) : les maillots des équipes nationales (8 coureurs) fournis par l’organisation, les maillots des équipes régionales (5 coureurs) idem… et les touristes-routiers toujours partant (mais après le départ des « as ») avec leurs tenues multicolores ! Les équipes régionales disparaissent en 1931 pour laisser place à un classement particulier spécifique à la catégorie des touristes-routiers agrémenté d’un maillot distinctif jaune à bande noire.
En 1934 l’organisation prend désormais en charge les touristes-routiers au même titre que les as et leurs fournis un maillot gris, à bande coloré suivant la nationalité, au titre « d’individuels ». En 1938 ces individuels disparaissent pour laisser la place à deux équipes françaises supplémentaires : les « Bleuets de France » (qui portent le maillot gris bande bleu des individuels français des années précédentes) et les « Cadets de France » (portant un maillot mi bleu, mi jaune aux couleurs de « Pernod & fils », PF, qui le sponsorise).
En 1939, devant la faible participation étrangère à son épreuve Desgranges reprend l’idée des équipes régionales auxquelles il attribue les maillots non utilisés des équipes des années précédentes. C’est ainsi que l’équipe Nord Est se voit attribuer le maillot mi bleu, mi jaune des Cadets de 1938, le Sud-Ouest le gris bande bleu des Bleuets, les bretons de l’Ouest le maillot blanc à parement rouge porté par l’équipe d’Espagne en 1938 et le Sud-Est le bleu clair de l’équipe d’Italie (auquel on a ôté le blason de Savoie) !
En 1947 nouvelle répartition du stock des maillots de l’organisation. L’Italie récupère son bleu clair, le Nord-Est le bleu et jaune, le Sud-Ouest le gris bande bleu, l’Ile de France le vert de l’équipe de Belgique B de 1939, l’Ouest conservant son blanc parement rouge, le Sud-Est héritant d’un nouveau violet à bande verticale blanche et les « étrangers de France » d’un blanc à bande rouge.
Préparation des maillots en 1947 pour la reprise du Tour. Pour chaque coureur : 16 maillots, 60 bidons, 18 musettes etc. par coureur. Un total de 1600 maillots !
Photo "Sprint" du 17 juin 1947
En 1948 les Italiens récupèrent leurs couleurs « vert bande blanche et rouge » de 1930 (leur équipe B des « cadetis » héritant du bleu clair) alors que les Belges troquent leurs maillots noirs (très chaud l’été !) pour un bleu nattier, bandes tricolores. Leur équipe B des « aiglons » inaugurant un rose (pour éviter le côté « diables » du rouge ?) bande jaunes et noire !). Les Espagnols réapparaissent avec désormais un maillot gris bandes tricolores, sang et or…
C’est en 1951, alors que les équipes B de Belgique et d’Italie disparaissent, qu’on arrive enfin à une répartition plus homogène des maillots entre équipes nationales et équipes régionales. Il y a désormais 5 équipes régionales : Nord-Ouest Ile-de-France (orange bande blanche), Est Sud-Est (violine bande blanche), Afrique du Nord (havane bande verte), Ouest (blanc parements rouges) et Paris (mi bleu, mi rouge). En 1953 l’équipe d’Afrique du Nord disparaît pour laisser place à une équipe du Sud-Ouest (blanc bande noire)… qui cèdera son maillot à l’équipe de Grande-Bretagne en 55 (agrémenté du drapeau sur les manches).
Le dernier bouleversement de cette première époque historique du Tour date de 1956 avec une refonte totale du design de tous les maillots (je me souviens d’un numéro spécial de « Sport & Vie » en juin 56 présentant en pleines pages les photos individuelles de tous ces nouveaux maillots portés par de somptueuses miss de l’époque). Les bandes des maillots nationaux sont élargies et occupent aussi la totalité des quarts de manches ; les maillots des équipes régionales sont, eux, de couleurs unies avec 2 bandes (violet bandes blanches pour Nord-Est Centre, rouge bandes bleu pour Ile de France, blanc bandes rouges pour Ouest, bleu ciel bandes or pour Sud-Est et havane bandes vertes - séparées par un trait blanc !? – pour Sud-Ouest, l’équipe Internationale héritera d’un blanc bandes noires en 58). Une curiosité : le maillot néerlandais orange porte sa bande tricolore « inversée » (bleu, blanc, rouge) par rapport à son drapeau… Ce n’est qu’en 1960 que les bandes néerlandaises deviendront rouge, blanche et bleue. En 1958 lors de la constitution d’une équipe mixte avec les Luxembourgeois (dans l’idée de fournir à Charly Gaul un entourage susceptible de lui permettre de jouer un rôle au classement général) les maillots de ceux-ci se distinguent des Bataves par le port d’un écusson luxembourgeois sur les manches. Dans le même temps, les Allemands associés, eux, aux Suisses arborent un maillot rouge où le drapeau allemand fixé (à l’endroit ou à l’envers !) prend la place de la croix helvétique !
C’est en 1962 que Jacques Goddet doit finalement céder à la pression des marques extra-sportives pour abandonner (provisoirement espère-t-il) la formule des équipes nationales. Néanmoins il cherchera longtemps à résister à la perte de contrôle de la formule de son épreuve en « imposant », justement, des normes en matière maillots. C’est l’organisateur qui les fournira, aménageant les designs habituels de la saison pour qu’ils ne risquent pas de se confondre avec la couleur des maillots de leader : le vert des Legnano cède donc la place à un blanc bande verte, le jaune des Ignis disparaît au profit du maillot rayé verticalement « rosso nero » de Milan ! Plus tard les Mann-Grundig, les Mercatone Uno ou les Once feront aussi l’objet de nouvelles colorisations à l’occasion de leurs participations à l’épreuve. En 1970 quand il apparaitra que la formule des équipes nationales restaurée sans succès en 1967 et 1968 ne sera plus reprise, Jacques Goddet tentera d’imposer des parements aux couleurs de la nationalité du coureur sur les maillots des équipes extra sportives du Tour… sans y parvenir (Molteni refusant d’utiliser les maillots fournis par l’organisation) !
Jean-Louis Bey.
Cette base de données sur les maillots du Tour de France est un vaste " chantier " qui a été décidé en même temps que la refonte des différentes éditions du Tour de France, également en cours. Dans un premier temps, ce seront les éditions de 1947 à aujourd'hui qui vont être traitées.
Chaque millésime comprendra :
- Un commentaire de Jean-Louis Bey,
- Les maillots distinctifs de l'organisateur avec leur vainqueur final,
- Les porteurs du maillot jaune,
- Les maillots des vainqueurs d'étape,
- les maillots des équipes partantes
- Les porteurs de maillots des championnats mondiaux et nationaux,
- Les maillots particuliers (distinctions, challenges sportifs etc.).
Sur chaque édition du Tour de France mise à jour, en haut de page, un lien "Histoire des maillots" permet un accès direct concernant cette édition.
Les maillots sont dessinés par Jean-Louis Bey et ne doivent pas être utilisés sans son accord.
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